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22 février 2014

Charlotte Rampling, Jean-Michel Jarre : fous d’amour et des années 50 (Paris-Match, 1/1/1982)

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Charlotte et Jean-Michel qui considèrent que les années 50 « le grenier des années 80 » ont très belle collection de juke-boxes en état de marche avec disques d’époque. Leur Cadillac Eldol 1958 est une pièce de musée. En revanche, la moto est chinoise, note Jean-Michel. Je l’ai achetée à un agent de police à Pékin pour 3000 F. C’est un exemptaire unique en Europe !

Ils ressemblent à Scott et Zelda Fitzgerald à la grande époque de leur gloire : beaux, couronnés par le succès, heureux. Elle, c’est Charlotte Rampling, lui, Jean-Michel jarre, le Marco Polo de l’électronique, depuis qu’il a réussi l’exploit de donner, en novembre dernier, cinq concerts en Chine – deux à Pékin, trois à Shanghai – qui ont été des triomphes. « Pour les Chinois, c’était vraiment « Rencontre du Troisième type » ! Quand nous sommes arrivés à Pékin avec Charlotte, il restait deux pianos dans la ville, le reste avait éte brûlé. Les Chinois n’avaient jamais entendu parler des Beatles ni des Stones.

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Nous avons débarqué avec 17 tonnes de matériel et 70 personnes, une vraie folie! Pour le premier concert, ils ont coupé l’électricité dans une partie de Pékin pour nous permettre d’avoir le courant nécessaire… » De ces concerts memorables, Jean-Michel a fait un double album dont il a vendu 160000 exemplaires en un mois. Fait exceptionnel : 1 million d’albums fabriqués en Chine seront en vente début août. «Nous avons enregistré les concerts avec un vingt-quatre pistes que nous avions emporté de Paris.» Un excellent metteur en scène anglais, Andrew Piddington, a réalisé un long-métrage de toute l’aventure de Jean-Michel, film qui sera diffusé sur TF1 fin septembre et qui est déjà vendu dans 40 pays du monde.

« Nous avons vécu une aventure de pionniers », commente Charlotte, qui a suivi avec passion l’épopée chinoise et fait des centaines de photos. Ce qui ne l'a pas empêchée de tourner au début de l’année "Verdict" sous la direction de Sydney Lumet, avec Paul Newman. Revenus dans leur belle maison de Croissy, Charlotte et Jean-Michel ont retrouvé leurs objets favoris : poste de radio d’après-guerre, juke-boxes des années 40, Cadillac 1958, et ils ont essayé la moto d’agent de police avec sidecar qu’ils ont ramenée de Chine. Sur la pelouse David, leur fils de cinq ans, joue au football. Dans quelques jours, ils descendront avec Barnabé, Emilie (les enfants de leurs premiers mariages) et David, prendre leurs quartiers d’été à Gassin dans la Cadillac Eldorado 58, de Jean-Michel "C’est une voiture superbe qui ne coûte pas plus qu’une R5, sourit-il, mais j’ai mis des mois à la trouver." Et il ajoute avec humour: "Surtout que je la voulais assortie à la robe de Charlotte!"

19 février 2014

Jean Michel Jarre: le chic sans le choc (1/11/1981)

Fossé culturel : cette expression, déjà tellement galvaudée, et pourtant la seule susceptible d’expliquer la réaction – ou plutôt « absence de réaction » du public chinois aux deux concerts que vient de donner à Pékin le compositeur français Jean-Michel Jarre. La Presse chinoise a fait des deux concerts un compte rendu qui peut se résumer en deux mots : étrange mais intéressant. Les dix-huit mille spectateurs qui étaient venus assister au stade de la capitale au premier concert de musique électronique jamais donnée en Chine, ont été surpris et certains même déçus par les sonorités des synthétiseurs. A l’entracte, les jeunes Chinois, qui composaient la majorité du public, ont déclaré ne pas comprendre la signification de cette musique, à des années-lumière de celle dont ils ont l’habitude en Chine depuis 1949. Mercredi soir, la moitié environ des spectateurs a quitté le stade avant la fin de la deuxième partie du concert, qui comprenait pourtant un morceau célèbre du répertoire chinois, exécuté par un ensemble de trente-quatre musiciens chinois, sous la direction d’un des grands chefs d’orchestre de Chine, le professeur Huang Feili. Impassible durant la majeure partie du spectacle, le public ne s’est manifesté qu’à de rares occasions, principalement pendant les jeux de lasers, qui ont suscité quelques applaudissements timides. Jean-Michel Jarre a déclaré pour sa part, qu’il s’attendait à une absence totale de réaction du public chinois et qu’il avait été plutôt agréablement surpris par l’accueil réservé à son concert. Le compositeur français n’a pas ménagé ses efforts pour faire de cette tournée une première mondiale, la mise en scène, très sophistiquée, a été confiée au Britannique Mark Fischer, qui a déjà signé celle des concerts The Wall donnée par le groupe Pink Floyd. Sur le plan éIectronique, Jarre a fait appel à trois autres musiciens synthétiseurs et a utilisé pour la première fois un Instrument inédlt, la harpe laser dont les cordes sont représentées par des rayons lasers, qui produisent un son à chaque contact de la main.

Quatre millions et demi de francs ont été investis dans cette tournée, qui devraient être rapidement amortis dès la sortie du film et de I’album consacrés aux concerts de Pékin et de Shanghai. Le but de cette tournée était avant tout de prouver qu’un musicien « pop » peut se produire en Chine, et Jean-Michel Jarre y est parvenu après de longs mois de négociations. La réaction du public, toujours Importante pour I’artiste, bien sûr, passe cependant, cette fois-ci, au second plan. II est à prévoir que les Rolling Stones, les Pink Lloyd ou Elton John, qui ont depuis longtemps manifesté le désir de se produire en Chine, vont tenter à leur tour de s’infiltrer dans la brèche ouverte par Jarre, mais apparemment sans grand espoir pour le moment. Leur musique, jugée « décadente » par les idéologues de Pékin, parviendra-t-elle à toucher la jeunesse chinoise? II est difficile de répondre à cette question, mais on peut toutefois penser que de tels concerts, s’ils ont lieu, produiront Indéniablement sur le public chinois un choc, positif ou négatif. Mercredi et jeudi, aucun choc ne s’est produit. Pour les Pékinois. Jarre et sa musique éIectronique évoluent vraiment sur une autre planète.

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13 février 2014

Les concerts en Chine (Rock and Folk, 1/1/1982)

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Les concerts en Chine / Dreyfus FDM 18110 (CBS) c’était en octobre dernier, Jean-Michel Jarre terminait par un triomphal concert à Shanghai une tournée de cinq dates en République Populaire de Chine, deux à Pékin et trois dans la seconde métropole du pays, capitale du Sud. Avant même « Carmen »., l’initiative classique, c’étaient les premières représentations d’un musicien occidental dans I’histoire de la Chine moderne.Du côté du rock, les plus grandes stars s’y étaient cassé les dents. Les multinationales s’étaient usé les nerfs à tenter de s’ouvrir les portes de la Chine.
II avait fallu la passion, le talent et la double intelligence de Jean-Michel Jarre et de son éditeur / producteur / manager / ami Francis Dreyfus pour franchir la grande muraille de l’incompréhension, de la défiance et la distance presque infinie qui sépare les Esprits respectifs de deux civilisations. II fallait également une musique qui, comme le soulignent les posters qui annonçaient les concerts, soit celle de l’harmonie universelle « . Des mois de palabres, certes, des prouesses d’organisation aussi, mais surtout, en ce qui nous concerne ici, une préparation musicale irréprochable.
Cette Grande Première, avec les incommensurables retombées qu’elle devait avoir, Jean-Michel Jarre ne pouvait pas la manquer, tant il savait que, plus que jamais, les yeux et les oreilles du monde seraient fixés sur lui. II n’a pas failli.. Les Concerts en Chine, le disque, est plus qu’un live, mieux que la chronique sonore d’une série d’événements historiques : c’est le plus bel album de Jean-Michel Jarre, le premier où sa musique prend enfin cette dimension universelle (tant au sens esthétique que géographique) et une richesse totale qu’elle n’avait jusqu’alors atteinte qu’en des instants privilégiés.

L’extra-ordinaire intérêt de « Les Concerts en Chine »., c’est que c’est tout à la fois un disque de rock comme jamais Jean-Michel n’en a produit- c’est-à-dire un disque d’énergie, de swing – et un disque d’exploration et de recherche, un disque de musique contemporaine au sens le plus plein du terme. Avec son temps, la technologie de son temps dans ce qu’elle a de plus avancé, la liberté de son temps dans ce qu’elle a de plus illimité, donc de plus difficile à organiser (Il va sans dire que je parle ici pour le seul domaine musical) ; et c’est enfin, mais c’est là ce qui scène la réussite exceptionnelle, un disque de plaisir, celui que l’on ressent à son écoute n’étant certainement pas étranger à celui qui a dû présider à son élaboration. Et c’est admirablement enregistré, pour parachever la réussite. Un disque de rock.

C’est que, pour la première fois, Jean-Michel Jarre parvient à circonvenir la fameuse «froideur» de la musique électronique quand elle ne se prétend pas «cosmique», ni ne se veut "planante". Il laisse sur la touche les ingénieux mystificateurs de la robotique ; la rythmique, toute électronique qu’elle soit, n’en est pas moins "vivante", en la personne de Roger Rizzitelli auquel ont été confiés des rythmes qui, sur les précédents disques, dépendaient de séquenceurs et de boites à rythmes. Ca change tout, et ça donne des moments qui vont en surprendre plus d’un, quand la batterie explose. Tout comme le fait d’avoir résolu les problèmes de programmation et d’ubiquité en faisant appel à deux claviéristes supplémentaires, Frédéric Rousseau et Dominique Perrier, là où les précédents disques usaient des stratagèmes du rerecording. II s’agit donc d’une musique de groupe, et non plus d’élucubrations d’ermite. II est étonnant d’entendre à quel point ce nouveau traitement transcende la lettre de la musique et la projette enfin en dehors du statut de Jingle auquel d’aucuns I’avaient trop vite reléguée.

Un disque de recherche ? Eh oui : Jean-Michel Jarre aime le risque et la difficulté. Par exemple, II prend le prétexte d’une première en Chine pour s’offrir le luxe d’écrire pour l’Orchestre. II eut pu se contenter de notre rassurant orchestre symphonique, bien de chez nous. Eh bien non, II choisit un orchestre traditionnel autochtone, avec tous ces Instruments exotiques, violons à deux cordes, orgue à bouche, flutiaux à anche et j’en passe, tant mon ignorance est infinie ; Il rédige des partitions, est contraint d’apprendre une sorte de chinois musical pour les rendre intelligibles à ceux qui doivent les interpréter, contrôle à quinze mille kilomètres de distance I’avancement des travaux, par cassettes interposées, compose quelque partie électronique et enregistre le tout, lui plus I’Orchestre Symphonique du Conservatoire de Pékin, en direct et sans répétition. Au passage, Il se faufile entre les chinoiseries à la Madame Butterfly et le collage inane, et cela donne une merveilleuse petite pièce intitulée « Jonques de Pêcheurs au crépuscule » où le synthé s’insinue entre la cithare et les flûtes en une espèce d’utopie musicale. La même expérience, ratée, eut donné un objet analogue à la reproduction d’une tour Eiffel, en plastique, à partir d’une carte postale, dans un atelier de Taiwan: cheap kitsch.
Ici, c’est une perle d’un mélange de culture. II y a aussi «Arpegiator» et son contrepoint foisonnant. Jarre reprend ici en la condensant une idée que Klaus Schulze avait entrevue sur «Mirage» sans réellement la développer, celle d’une multitude de figures en arpèges, s’enchevêtrant et se répondant en un sautillement dont on ne sait plus très exactement s’il relève de la mélodie, de I’harmonie ou du rythme. A la fin entre une armée de violoncelles synthétiques du plus majestueux effet. Je ne reparlerai pas de « Magnetic Fields III », dont j’avais dit en son temps toute I’invention et qui prend dans ce contexte une dimension nouvelle et révèle en même temps jusqu’où remonte la préparation de ce voyage. Déjà sur « Les Chants Magnétiques », et alors sans aucune hésitation, le morceau suscitait des images, précisément celles des « jonques au crépuscule ». Et nous voici à Shanghai.

Et puis il y a la cerise sur le gâteau, ce « Souvenir de Chine » à, la mélodie prenante et tranquille jhachée par les coups sourds de la batterie et la guillotine du rideau de Nikon, bruits des rues de Shanghai et synthés d’un autre monde. Une parmi six compositions inédites; toutes splendides. Un-disque de-plaisir enfin;-car tel est le ciment de cette mosaïque. A I’écoute de ce double album, on réalise qu’ » Oxygène » était tout sauf un accident, que Jean-Michel Jarre est un formidable mélodiste, qu’il a le sens du » populaire » . (ce qui en Chine doit être un must), qu’il sait – ce qui est le comble de la difficulté – être facile sans ringardise, accrocheur sans roublardise, intelligent sans vantardise. Et je m’arrête, car mon vocabulaire s’épuise. Et dans le plaisir il n’y a pu que , cette facilité, il y a aussi l’humour: « L’Orchestre Sous la Pluie » – est-ce un clin d’oeil ? la «Rumba», pastiche du » populaire » encore qui, dans un auditorium de Shanghai, prend des accents de manifeste mi-goguenard et mi-ému, vieux souvenir de bal popu dans la chaleur humide des nuits de Chine. Et encore une fouIe de détails, puis une impression de bien-être et de fraternité. Certains » beaux gestes » prennent des années pour se réaliser.

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12 février 2014

Les tribulations de Jean-Michel Jarre en Chine (Télérama, 1/1/1982)

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17 tonnes de matériel: 40 claviers, 35 amplis.13 haut-parleurs, 20 synthétiseurs, 1 batterie électronique,1 harpe à laser, plusieurs ordinateurs, le tout dirigé depuis un tableau de bord digne d’un valsseau spatial. II y a tout juste un an, Jean-Michel Jarre donnait cinq concerts en Chine, filmés par Andrew Piddington. C’est ce reportage que vous verrez mardi sur TF1 à 21 h 35.

C’était le 21 octobre 1981 à Pékin ou 20000 personnes avaient pris place dans le «Stade des Ouvriers» pour assister à son premier concert. Le fils du compositeur Maurlce Jarre («Lawrence d’Arabie» «Dr Jivago»), mari de Charlotte Rampling, devenait ainsi la première pop-star admise à jouer une musique ~ jusque-là – bourgeoise et décadente » .

"Enfant, je rêvais de la Chine, raconte Jean-Michel Jarre. Elle m’attirait un peu comme unt fruit défendu. Le mythe de l’Empire du Milieu était d’autant plus fort que le cinéma et les bandes dessinées I’amplifiaient sans cesse. C’est après mon spectacle du 14 juilllet 1979 à la Concorde, que Francis Dreytus, mon producteur et moi-même avons eu I’ldee de tenter la même chose en Chine. Pour tout le monde notre projet était insensé". Décembre 1979. Jean-Michel Jarre effectue un premier voyage de prise de contact avec les officiels chinois et les personnalités de la radio et de la télévision. Juillet 1980. Le feu vert est accordé.

Un petit synthétiseur sous le bras. Il y retourne en février et juin 1981, pour une série de mini-concerts. Les autorités chinoises avaient entendu parler du spectacle de la Concorde. Je ne voulais surtout pas leur forcer la main. Pour tester les réactions du public. Ils ont diffusé quetques extraits de mes albums Oxygène, Equinoxe et Les chants magnétiques à la radio nationale. Ma musique correspondait à l’idée qu’ils se faisaient de la musique futuriste et progressiste. Le grand jour est arrivé. Pour alimenter l'immense scène en électricité, on a coupé le courant d’une usine toute proche et diminué des trois quarts celui du quartier adjacent. Alors que le salaire moyen d’un travailleur chinois oscille autour de 200 F par mois, chaque spectateur paye sa place entre 1,50 F et 3,50 F (à Shangaï, elles se vendront jusqu’à 40 F au marché noir et aux deux concerts initialement prévus, Jean–Michel en ajoutera un troisième).

Elle se presse aux guichets cette foule où dominent le kaki et les tenues de travail grises et bleues. A la tribune officielle, le vice-présldent de l’Assemblee natlonale populaire, Panchan Lama Ederni, représente Tien Tsao Ping. Blen entendu, l’événement est retransmls simultanément à la radio et à la television. Après une explication en règle, la speakerlne en robe de mousseline annonce Jean-Michel Jarre qui, très élégant dans son smoking blanc, fait une entrée majestueuse, avant de s’installer aux claviers et d’attaquer les premières notes. Et ils sont fascinés ces Chinois. Eux qui ont lnventé le feu d’artifice, sont émerveillés par ce « Son et lumière » venu de France. Certes l’enthousiasme n’est pas celui des concerts occidentaux, mais ils sont stupéfiés par cet étalage de matériel. ils sont surpris lorsqu’à sa propre musique ponctuée de rayons lasers et de projections traçant les mots «Chine», «Pékin», «Jarre», Jean-Michel mêle celle des instruments traditionnels chinois comme le zheng, sorte de harpe triangulaire. lls sont fiers enfin lorsque les 35 musiciens du conservatoire national de Pékin, dirigés par Huang Feili, entament «Barques de pêche au soleil couchant», leur mélodie traditionnelle.

"Il était capital d’intégrer les Chinois à la réalisation du projet. Aussi bien sur le plan artistique que technique. Pendant la tournée, chaque techniclen français a été assisté de son homologue chinois. Sur le plan des valeurs humaines, la concurrence, l’argent, le temps et le sexe sont des mots dont la signification chinoise est totalement opposée à la nôtre. Aussl entre Chinois et Européens, les rapports s’établissent-ils à un autre niveau, celui de la connalssance intuitive. Car dans ce pays ce qui n'est pas dit est plus important que ce qui est dit. Je crols que c’est pour cela que nous avons réussi. Dorénavant, je n’ai plus qu’une envie, retourner en Chine."

04 février 2014

Premiers concerts en chine, 1981 (Claviers magazine spécial Jarre, 1/1/1990)

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OCTOBRE 1981 : REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE Deux ans d’efforts, de négociations et de préparation se concrétisent lorsque Jean-Michel Jarre, son équipe et quinze tonnes de matériel se posent sur la piste de l’aéroport de Pékin. Plus que des concerts, une aventure; plus qu’une tournée, un concept, pensé dans ses moindres détails techniques comme dans ses implications sociopolitiques. Rencontre de l’Occident et de l’Extrême-orient, des années laser et du XIXe siècle, des computers et de la bicyclette. Vingt mille personnes sur les gradins du Palais des Sports de Pékin. Les blocs noirs de la sono dominent les flight-cases rouges des synthés et se mêlent aux poutrelles métalliques qui soutiennent les éclairages. Le set up scénique a été pensé par Mark Fisher , qui a aussi mis en scène le megashow du Pink Floyd, « The Wall ». C’est l’un des concerts les plus ambitieux de l’époque, par l’ampleur de l’infrastructure technique, la complexité des écritures laser programmées par la société MDB, et surtout le pari technique de jouer live une musique écrite ne se prêtant guère aux improvisations modales et informelles de la scène électronique européenne. II s’agit d’interpréter «Oxygène», «Chants magnétiques» et «Equinoxe», d’adapter la création de studio aux contraintes scéniques d’un véritable groupe et d’une technologie nouvelle. Sur scène, Jean-Michel au Fairlight et aux VCS 3, à l’OBX 3, à l’Elka, à l’Eminent et à la harpe laser, mélange kitsch du matériel le plus récent avec des ancêtres d’un âge déjà respectable. Le mur d'expandeurs et de programmeurs RSF, spécialement construit pour ces concerts avec des composants militaires, l’ ARP 2600 et les drums machines, c’est le royaume de Frederic Rousseau, jeune démonstrateur de Music Land, qui pilote toutes les séquences avec le MDB Polysequenceur : le synthétiseur modulaire classique avec l’un des séquenceurs les plus performants de l’époque (interface cassette pour sauver les programmes !). Le gars qui saute en l’air avec une casquette sur le nez, c’est Dominique Perrier, qui s’éclate sur son Moog Libération pour des solos mémorables, mais va aussi parfois s’asseoir sagement derrière un Prophet 5, un Eminent ou un Korg Polyphonique, voire un monophonique Kobol, fabrique par la société française RSF…

Celui qui tape comme un malade sur sa batterie électronique Simmons, même quand elle est débranchée, c’est Roger Rizzitelli, plus connu sous le nom de Bunny, qui continue aujourd’hui encore à s’éclater, devant les clients de sa pizzeria, en jouant des drums sur la musique de Jean-Michel… II y a dans la musique de ces « Concerts en Chine » une dimension rock; une énergie tout à fait particulière. La batterie live fait swinguer les séquences au gros son analogique, les polyphonies décollent avec les effets sidéraux des vcs 3 et du Fairlight. Le coeur des synthés palpite d’émotion devant la foule sidérée, tandis que résonnent les sons d’un orchestre traditionnel chinois. La poésie contre la technique: quelques heures avant le concert et pour ne pas déranger quinze chaises, les Chinois demandent que l’on déplace de quarante mètres la régie technique, ses tables de mixage et ses cablages. Une heure de palabres pour dire non. Quelques heures avant le concert, il n’y a toujours pas d’électricité et le public qui entre interrompt la répétition qui venait de commencer. . . Les sautes de tension maintiennent un suspense intéressant pendant tout le show: les computers seraient-ils des grille-pain et vont-ils faire sauter les plombs ? Choc des cultures: après le premier morceau, les musiciens s’arrêtent. Silence dans la salle, panique sur scène: pas un applaudissement ! Ce n’était pas la galère du siècle, mais le syndrome de la musique classique, les seuls concerts connus du public chinois : on n’applaudit pas entre les mouvements d’une symphonie ! Choc des mentalités : alors que les caméras d’ Andrew Piddington s’apprêtent à balayer la salle archi-comble, les officiels exigent un cachet de figurant pour chaque spectateur chinois filmé. . . L ‘ équipe technique doit également négocier d’arrache-pied pour pouvoir fumer à l’intérieur du stade et boire autre chose que de l’eau chaude, comme les Chinois ! Shanghai : les concerts les plus fous dans la vaste nef circulaire. Les lasers de Claude Lifante se déchaînent et n’en finissent pas de calligraphier la voute du toit. La sono prend de la voix, les ingénieurs font rougir les vumètres… Les solos se durcissent, les drums explosent. Premier rappel. La salle hurle, piétille, bras en l’air. Deuxième rappel. Les murs tremblent. Troisième rappel : Chants magnétiques… Champ de mines, plutôt: l’émeute n’est pas loin…