Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04 février 2014

Premiers concerts en chine, 1981 (Claviers magazine spécial Jarre, 1/1/1990)

les concerts en chine,1981,1982,chine,pékin,shanghai


OCTOBRE 1981 : REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE Deux ans d’efforts, de négociations et de préparation se concrétisent lorsque Jean-Michel Jarre, son équipe et quinze tonnes de matériel se posent sur la piste de l’aéroport de Pékin. Plus que des concerts, une aventure; plus qu’une tournée, un concept, pensé dans ses moindres détails techniques comme dans ses implications sociopolitiques. Rencontre de l’Occident et de l’Extrême-orient, des années laser et du XIXe siècle, des computers et de la bicyclette. Vingt mille personnes sur les gradins du Palais des Sports de Pékin. Les blocs noirs de la sono dominent les flight-cases rouges des synthés et se mêlent aux poutrelles métalliques qui soutiennent les éclairages. Le set up scénique a été pensé par Mark Fisher , qui a aussi mis en scène le megashow du Pink Floyd, « The Wall ». C’est l’un des concerts les plus ambitieux de l’époque, par l’ampleur de l’infrastructure technique, la complexité des écritures laser programmées par la société MDB, et surtout le pari technique de jouer live une musique écrite ne se prêtant guère aux improvisations modales et informelles de la scène électronique européenne. II s’agit d’interpréter «Oxygène», «Chants magnétiques» et «Equinoxe», d’adapter la création de studio aux contraintes scéniques d’un véritable groupe et d’une technologie nouvelle. Sur scène, Jean-Michel au Fairlight et aux VCS 3, à l’OBX 3, à l’Elka, à l’Eminent et à la harpe laser, mélange kitsch du matériel le plus récent avec des ancêtres d’un âge déjà respectable. Le mur d'expandeurs et de programmeurs RSF, spécialement construit pour ces concerts avec des composants militaires, l’ ARP 2600 et les drums machines, c’est le royaume de Frederic Rousseau, jeune démonstrateur de Music Land, qui pilote toutes les séquences avec le MDB Polysequenceur : le synthétiseur modulaire classique avec l’un des séquenceurs les plus performants de l’époque (interface cassette pour sauver les programmes !). Le gars qui saute en l’air avec une casquette sur le nez, c’est Dominique Perrier, qui s’éclate sur son Moog Libération pour des solos mémorables, mais va aussi parfois s’asseoir sagement derrière un Prophet 5, un Eminent ou un Korg Polyphonique, voire un monophonique Kobol, fabrique par la société française RSF…

Celui qui tape comme un malade sur sa batterie électronique Simmons, même quand elle est débranchée, c’est Roger Rizzitelli, plus connu sous le nom de Bunny, qui continue aujourd’hui encore à s’éclater, devant les clients de sa pizzeria, en jouant des drums sur la musique de Jean-Michel… II y a dans la musique de ces « Concerts en Chine » une dimension rock; une énergie tout à fait particulière. La batterie live fait swinguer les séquences au gros son analogique, les polyphonies décollent avec les effets sidéraux des vcs 3 et du Fairlight. Le coeur des synthés palpite d’émotion devant la foule sidérée, tandis que résonnent les sons d’un orchestre traditionnel chinois. La poésie contre la technique: quelques heures avant le concert et pour ne pas déranger quinze chaises, les Chinois demandent que l’on déplace de quarante mètres la régie technique, ses tables de mixage et ses cablages. Une heure de palabres pour dire non. Quelques heures avant le concert, il n’y a toujours pas d’électricité et le public qui entre interrompt la répétition qui venait de commencer. . . Les sautes de tension maintiennent un suspense intéressant pendant tout le show: les computers seraient-ils des grille-pain et vont-ils faire sauter les plombs ? Choc des cultures: après le premier morceau, les musiciens s’arrêtent. Silence dans la salle, panique sur scène: pas un applaudissement ! Ce n’était pas la galère du siècle, mais le syndrome de la musique classique, les seuls concerts connus du public chinois : on n’applaudit pas entre les mouvements d’une symphonie ! Choc des mentalités : alors que les caméras d’ Andrew Piddington s’apprêtent à balayer la salle archi-comble, les officiels exigent un cachet de figurant pour chaque spectateur chinois filmé. . . L ‘ équipe technique doit également négocier d’arrache-pied pour pouvoir fumer à l’intérieur du stade et boire autre chose que de l’eau chaude, comme les Chinois ! Shanghai : les concerts les plus fous dans la vaste nef circulaire. Les lasers de Claude Lifante se déchaînent et n’en finissent pas de calligraphier la voute du toit. La sono prend de la voix, les ingénieurs font rougir les vumètres… Les solos se durcissent, les drums explosent. Premier rappel. La salle hurle, piétille, bras en l’air. Deuxième rappel. Les murs tremblent. Troisième rappel : Chants magnétiques… Champ de mines, plutôt: l’émeute n’est pas loin…