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21 janvier 2014

Interview à Tsugi n°66 sur Cosmic Machine (10/2013)

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La musique électronique française n’est pas née avec la french touch. La preuve avec la compilation Cosmic Machine qui exhume celle des années 70 et la soirée associée le 24 janvier à la Gaîté Lyrique. Rencontre au sommet entre deux de ces pionniers électro - les artistes Jean-Michel Jarre et Bernard Fèvre, alias Black Devil Disco Club -, et l’initiateur de la compile, Uncle O. Lire la suite…

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Respectant la tradition Paris s’est couché tard samedi (France Soir, 15/07/1979)

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Combien étaient-ils ? 100 000 ? 150 000 ? 200 000 peut-être à avoir pris la place de la Concorde pour une gigantesque lanterne magique à l’occasion du clou de ce 14 juillet 1979 : le spectacle son et lumière bleu blanc rouge du compositeur Jean-Michel Jarre.
Dès 21 heures, on ne respirait plus, on s’entassait, on s’écrasait. Beaucoup d’évanouissements : plus d’une centaine, un à la minute. Les 120 secouristes des équipes médicales de la protection civile, du SAMU et de la Croix Rouge n’ont pas chômé. Noria incessante de 16 ambulances autour des barrières protégées par un imposant mais débonnaire service d’ordre.

:: Physique de play-boy ::
Seuls les 800 invités officiels de la ville de Paris, assis face à la rue Royale, échappaient à la bousculade. Derrière eux, montés sur un énorme camion bleu, les projecteurs mobiles qui devaient renvoyer des diapos fixes, sur le vaste écran constitué par les façades du ministère de la Marine, de l’Hôtel Crillon et de l’église de la Madeleine au centre. Mais le coeur du spectacle c’était l’échafaudage où le nec le plus ultra de l’électronique musicale avait à son service 350 techniciens.

A 22 h 30 précises, le dieu Jarre surgit de son minicar vert émeraude en chemise satin gris, 26 ans, la mèche rebelle, physique de play-boy romantique, l’archange rentre dans la bagarre.
La musique planante d'Oxygène et d’Equinoxe, les deux succès du jeune compositeur, envahissent l’ancienne place de la Révolution qui, le 21 janvier 1793, vit un certain Louis XVI perdre la tête.

Des yeux, des colombes, des mains dont les extrémités deviennent des arbres ou des sans-culottes; des images fantastiques de la plus grande Révolution du monde animent les plus belles façades de Paris. C’est Paris-Hallucination, Paris-Magie, Paris-Poésie. Qui aurait pu penser que l’histoire de France puisse se conjuguer au disco ? Dans un halo de fumée artificielle, Jean-Michel Jarre salue la foule. Il est 23 h 10.

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20 janvier 2014

Musique de l’an 2000 pour une féerie tricolore (Le Figaro, 14/07/1979)

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Depuis 190 ans elle attendait ça. Ce soir, à 22 heures, la place de la Concorde verra sa plus grande heure de gloire depuis la Révolution. Un 14 juillet à sa dimension. Le peuple à ses pieds. Les Tuileries embrasées, mais d’un feu d’artifice. Les canons braqués sur ses édifices, mais qui ne cracheront que des images. Et au milieu de tout cela, un très jeune homme au visage de Saint-Just, mais musicien comme Rouget de Lisle. Jean-Michel Jarre, l’auteur-compositeur-metteur en scène de « bleu, Blanc, Rouge », spectacle audiovisuel commandé par la mairie de Paris pour fêter dignement une date mémorable entre toutes.

Au pied de l’Obélisque des kilomètres de câbles se tordent comme des serpents sur un trottoir jonché de lunes multicolores. Voilà pour l’oreille et, voilà pour l’oeil. Les câbles serviront à renvoyer des quatre coins de la place la musique de Jarre en quadriphonie. Les lunes insolites sont des caches de gélatine destinées à transformer les projecteurs en drapeaux patriotiques.
Sur la scène tendue de noir, Jean-Michel Jarre dispose « l’orchestre » qui jouera sa musique des extraits de ses deux oeuvres maîtresses Oxygène et Equinoxe.

- Où sont vos instruments, vos musiciens ? demande un photographe qui croit avoir affaire à une espèce de Karajan.
Jean-Michel Jarre désigne une trentaine d’appareils très jolis tableaux de bord d’acier poli constellés de boutons du plus bel effet des synthétiseurs.
Quoi pas de violons, pas de clairons, ni de piano ?
Jean-Michel Jarre s’apprête à fêter le 14 juillet sans tambour ni trompette.

- Depuis trois cent ans, explique-t-il, on s’obstine à jouer de la musique avec des instruments à cordes ou à vent conçus selon les besoins spécifiques d’une époque révolue. Aujourd’hui, tout a évolué. Les cassettes, la radio, la télévision ont remplacé l’orchestre. C’est l’ère de l’électro-acoustique. Chacun de mes synthétiseurs a remplacé un instrument. Le piano ; le violon de l’an 2000, c’est eux. »

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Jarre est un authentique compositeur. Le synthétiseur, c’est comme le violon ou la harpe. S’il n’y a pas l’inspiration derrière, ils ne servent à rien.
Autour de lui, la Concorde prend, au fur et à mesure que s’affairent les électriciens de la ville de Paris, une drôle d’allure. Les réverbères sont bleus, blancs ou rouges. Les spots dans les vasques des fontaines sont coiffés de papiers transparents de couleur comme des pots de confiture.
Quatre boules énormes à facettes rappelleront aux nostalgiques du temps du tango que Paris ce soir sera un vaste dancing.

Ce spectacle, c’est l’adjoint au maire chargé de l’animation et du tourisme Jean de Préaumont qu’on le doit.
Avec l’habitude désormais acquise que dès que quelqu’un en France a du talent on l’envoie faire ses preuves dans les pays étrangers qui l’apprécient mieux que nous, Jean-Michel Jarre en avait proposé l’idée aux Anglais. En apprenant la chose Jean de Préaumont a décidé de faire mentir le proverbe qui veut que nul ne soit prophète en son pays et demande à l’auteur de l’adapter aux circonstances.

Paris donc se souviendra ce soir de son histoire sur une musique de l’avenir que dirigera au pied d’un obélisque vieux de trente siècles, un jeune homme de trente ans. Par le truchement de l’ Eurovision et des relais par satellite, 350 millions de spectateurs pourront être témoins de l’événement.
Il est vrai qu’en 1789 une vieille Bastille qualifiée de « réservoir à grenouilles » et qui s’était laissé prendre sans trop résister n’a pas eu besoin de tant de tapage pour devenir au fil des siècles, le symbole mondial de la liberté.

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19 janvier 2014

Interview de Francis Rimbert sur Jean Michel Jarre (2010)


Interview de Francis Rimbert pour La boite noire du musicien en mai 2010.

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500 millions de Chinois et lui, et lui (VSD, 29/10/1981)

Accompagné de sa mère, de Charlotte Rampling, de 65 musiciens et techniciens, le créateur des «Chants magnétiques» a étonné les pékinois qui ont décidé de diffuser le concert à la radio (500 millions d’auditeurs) et à la télé (30 millions de téléspectateurs). Evidemment le Stade des ouvriers de Pékin, ce n’est pas le Golf Drouot au temps houleux du yé-yé : iI n’y a pas eu de chaises cassées lors des deux concerts que Jean-Michel Jarre a donnés devant les chinois. Mais ce fut cependant un sacré succès pour le créateur d’Oxygène et des Chants magnétiques en particulier, et pour "la musique décadente occidentale" en général qui pour la première fois franchissait les portes de la Chine éternelle et communiste. Les spectateurs avaient commencé à se masser en pleine nuit devant le stade pour attendre I’ouverture des guichets à 9 h 30 du matin. Au total, quarante mille billets vendus à 1 yuan pièce (environ 3 francs sur lesquels I’artiste ne touchera aucun pourcentage. Il est I’invité du ministère de la Culture chinois qui a pris en charge tous les frais de I’équipe à partir de sa descente d’avion.
Jean-Michel Jarre n’avait lésiné ni sur l’apparât ni sur l’appareillage iI a débarqué avec 12 tonnes de matériel, trente synthétiseurs, trente-cinq amplis, cent vingt haut-parleurs. des instruments hyper-sophistiqués comme la harpe aux cordes en rayons laser, une batterie électronique de 2 centimètres d’ épaisseur, un écran de tulle pour des projections laser d’idéogrammes chinois, etc. Et le public a été conquis par surprise car si la Chine des mandarins a inventé le feu d’artifice, les enfants de Mao ne connaissaient pas le laser. Du coup la télévision (trente millions de téléspectateurs) et la radio (cinq cents millions d’auditeurs) ont décidé de retransmettre le concert, et les autorités ont prié le musicien de bien vouloir ajouter un troisième récital à Shanghai aux deux initialement prévus.

Jean-Michel Jarre a donc gagné son pari. Au prix de pas mal de péripéties… D’abord l’équipe du musicien comptait finalement soixante-cinq personnes au lieu des trente convenues à l’origine. Or à Pékin il n’y a que six grands hôtels qui sont déjà pleins à l’année avec les délégations politiques étrangères et les cadres des grandes sociétés internationales. Alors, rien que pour loger les techniciens supplémentaires, ce fut une gageure. Ensuite les autorités ne comprenaient pas pourquoi Jean-Michel Jarre insistait pour se mettre à répéter dans le stade dès son arrivée, quatre jours avant le premier concert. Il fallut de délicates négociations pour faire ouvrir les grilles et installer le matériel.

Jean-Michel Jarre craignait surtout les problèmes d’électricité. Des raccordements spéciaux avaient été branchés sur le secteur. Il restait cependant des déperditions de courant terribles entre les prises et les appareils. Or un synthétiseur sans électricité, c’est a peu près aussi intéressant qu’une guitare sans cordes. Mais, à grands renforts de techniciens et d’interprètes, tout rentra dans l’ordre. Et les répétitions purent commencer. Jean-Michel Jarre, pour les vingt dernières minutes de son spectacle avait voulu s’entourer de trente-quatre musiciens du Conservatoire de Pékin, afin de faire le mariage de l’électronique et des instruments ancestraux chinois sur une mélodie traditionnelle Barques de pèche au soleil couchant. lIs s’étaient rencontrés en février dernier pour mettre au point le morceau. Ensuite ils avaient travaillé sur cassettes qu’ils enregistraient et se faisaient passer par l’entremise de l’ambassade de France. II leur restait cependant à accorder leurs instruments sur scène.
Ce fut lors du spectacle le moment le plus applaudi, sans doute parce que le public, d’abord ébahi par cette débauche de sonorités électroniques, se retrouvait enfin en pays de connaissance. Et si de nombreux spectateurs se levèrent avant la fin, ce ne fut pas par ennui. Mais simplement parce que le dernier bus pour le centre ville quittait le stade à 22 h 30.

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