16 mars 2014
Jean-Michel Jarre: le retour du fils prodigue (Lyon Capitale, 23/03/2010)
80 millions de disques vendus, un million de spectateurs en 1979 lors de son concert place de la Concorde à Paris, des projets renversants de Pékin, à Houston, faut-il le préciser, Jean-Michel Jarre, Croix-Roussien de naissance, pourrait bien remplir les 17 000 m2 de la Halle Tony Garnier les doigts dans le nez. Pas pratique comme position pour jouer du synthé... Mais peu importe, Jean-Michel est un homme de défis.
Lyon Capitale : Après vos “méga-concerts”, ne risquez-vous pas de vous sentir à l’étroit à la Halle Tony Garnier ?
Jean-Michel Jarre : Pas du tout. Ce n’est pas une question de taille ou d’échelle. Le projet est tout aussi spectaculaire car il y a des technologies, des techniques ou des idées que l’on ne peut pas utiliser hors les murs. C’est un vieux rêve de pouvoir porter la magie des concerts en extérieur dans des espaces contrôlés. Dans un espace fermé, je peux partager toute cette magie avec le public dans une proximité différente.
Difficile d’innover et d’être populaire à la fois ?
On peut tout à fait innover sans perdre pour autant le lien avec son public. J’ai été approché par les gens qui ont développé les caméras de James Cameron pour le film Avatar et nous devrions tourner le premier concert en 3D pendant le courant de l’année grâce à cette technologie totalement révolutionnaire.
Vous étiez déjà un pionnier des musiques synthétiques en France lors de la sortie en 1976 de l’album Oxygène…
À force de me l’entendre dire, je le conçois. Dans la musique électronique ou électro-acoustique, il n’y avait pas grand-chose avant. C’est une chance dans une vie de pouvoir ouvrir des portes sur des territoires vierges. C’est quelque chose d’unique et de totalement irremplaçable. Et forcément, si vous rencontrez le public, ça laisse des traces, car vous étiez le premier. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait plus rien d’intéressant aujourd’hui. Au contraire ! Il y a un échange, une transmission.
Il y a beaucoup de jeunes artistes que j’apprécie et avec lesquels j’ai un certain nombre de projets comme le Dijonnais Vitalic, dont j’adore le dernier album Flashmob. Il a remixé l’une de mes premières compositions d’étudiant au G.R.M. (Groupe de Recherche Musicale). Une rareté sur le plan discographique qu’on va ressortir en édition limitée. D’autres collaboration sont à venir sur mon prochain album, toujours avec Vitalic, mais peut-être aussi avec Sébastien Tellier, Air, Moby, Les Daft Punk, ou encore les Chemical Brothers.
Quel est le secret de votre longévité dans ce milieu ?
Quand j’ai commencé, j’étais totalement marginal, totalement unique dans le paysage français voire international. Oxygène a été refusé par beaucoup de maisons de disque en Angleterre ou ailleurs. Pour eux, déjà, j’étais Français. Puis les morceaux étaient trop longs et il manquait la voix d’un chanteur. Mais ce sont ces différences qui ont créé l’impact. Et j’ai toujours gardé instinctivement une ligne de conduite, un univers, sans vouloir tomber, par exemple, dans le dancefloor et me prétendre DJ. Ce n’est pas mon métier. Il y a des gens qui font ça beaucoup mieux que moi.
Votre grand-père aurait bricolé la première table de mixage pour la radio française, votre père, Maurice, était un compositeur de renom, votre destin semblait tout tracé...
A posteriori, peut-être… Mais comme mes parents ont divorcé quand j’avais 5 ans, je n’ai pas du tout grandi sous l’influence de mon père. Mon grand-père m’a sans doute plus inspiré. Avec son côté inventeur un peu iconoclaste, il m’a transmis une certaine fantaisie, une approche ludique de la technologie qui a certainement influé sur mes choix musicaux.
Est-ce qu’on prend conscience, à un moment précis, d’avoir surpassé la notoriété de son père ?
Ce sont les pères qui ressentent ça plutôt que les fils. Moi, je n’ai jamais eu cette sensation. Je n’en ai jamais parlé avec lui, mais on m’a dit qu’il avait eu cette sensation. Lorsqu’il a, par exemple, rencontré sa dernière femme, une asiatique de Singapour, en Australie, elle lui a dit : “Ah, vous êtes le père de Jean-Michel !”. Ça l’a un peu choqué, dans un endroit aussi retiré, que l’on fasse ainsi référence à sa personne.
Votre plus belle récompense ?
Cette tournée 2010 sur cinq continents. C’est un énorme privilège de jouer dans des endroits où aucun Français n’est allé avant et de pouvoir le faire devant un public chaleureux qui accueillait ma musique avant même de m’accueillir physiquement. C’est une situation de rêve.
La critique que vous ne supportez pas ou plus ?
Quand on commence sa carrière, on est beaucoup plus fragile. Comme tout le monde, on préfère être caressé dans le sens du poil. Mais on s’aperçoit aujourd’hui, avec Internet, que les critiques des médias ont de moins en moins d’importance. C’est le bouche-à-oreille, via des forums ou des chats, qui va faire qu’un film ou un concert va fonctionner. Ça a totalement évolué et les critiques ont finalement une position ambiguë. Ils peuvent faire des papiers fabuleux sur un disque qui finalement ne marchera pas et vice-versa. C’est donc plus facile aujourd’hui d’avoir une attitude un peu distanciée vis-à-vis de la presse.
Qu’est-ce qui pourrait vous faire raccrocher ?
Se réveiller un jour sans désir. C’est mon moteur. On vit une époque où l’accessibilité à tout, via Internet notamment, peut tuer la notion de désir. Le rêve, c’est quelque chose qu’on ne peut potentiellement pas atteindre. Si on vous fait croire que l’on peut avoir accès à tous ses rêves de manière instantanée, vous devenez forcément une sorte d’enfant gâté avant même d’avoir goûté à tout ce qu’on vous offre. Cela peut tuer le désir. Moi, je ne suis pas du tout dans cette situation-là. Il y a plein de choses que j’ai encore envie de faire, d’améliorer. J’ai l’impression d’avoir fait beaucoup de brouillons dans ma vie. Voilà ce qui me fait avancer.
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15 mars 2014
JMJ dans les alpes-maritimes: "Rendez-vous en 2010!" (Nice-matin, 31/10/2009)
Jean-Michel Jarre, 61 ans mais allure toujours juvénile, est venu à Nice en repérage pour son concert du 21 mars 2010 à la salle Nikaïa. L'occasion d'une rencontre avec le créateur d'Oxygène, qui entame sa première véritable tournée mondiale en plus de 30 ans de carrière. Près de 200 concerts en salles sont programmés d'ici à la fin de l'année prochaine, dont huit en France...
Nice-matin : Pourquoi cette tournée « indoor », vous qui nous avez habitués aux grands sons et lumières en extérieur ?
JMJ : Je veux justement apporter la magie des concerts extérieurs dans les salles. Aujourd'hui, la technique permet de rendre l'expérience encore plus immersive. Nous aurons un nouveau système de son surround révolutionnaire sur lequel je travaille avec l'ingénieur du son niçois Alain Courrieu et des projections laser qui donneront l'impression de relief 3D sans les lunettes : ce sera un spectacle total. Au lieu de demander aux gens de venir à moi comme je l'ai fait jusqu'ici, je vais pouvoir me déplacer vers eux et leur rendre ce qu'ils m'ont donné durant toutes ces années.
N-M : Vous visitez toutes les salles avant la tournée ?
JMJ : Le plus possible. L'idée est de donner à chaque fois un concert différent en fonction des caractéristiques propres au lieu. Nikaïa est une des plus belles salles d'Europe et j'ai beaucoup de souvenirs et de liens dans la région. Je veux donc que cette date-là soit particulièrement mémorable.
:: Hommage et Hadopi ::
N-M : Si la tournée s'appelle 2010, ce n'est pas seulement une question de millésime, n'est-ce pas ?
JMJ : Non, effectivement, car plusieurs éléments se combinent. Il y a d'abord les 50 ans de l'invention du laser. Même si je l'ai moins utilisé qu'on ne le croit généralement, j'avais envie d'en profiter pour montrer ce qui se fait de nouveau et de mieux en la matière. Mais surtout, 2010 c'est la date de L'Odyssée de l'Espace 2, écrite par Arthur C. Clarke. J'ai toujours aimé la SF et ses bouquins en particulier. J'ai été surpris et honoré qu'il me cite dans les remerciements du livre. Quand je l'ai rencontré, quelque temps avant sa mort, il m'a raconté avoir écrit la quasi-totalité du roman en écoutant ma musique. À mon tour, je voulais donc lui rendre hommage en intitulant la tournée 2010.
N-M : Quelle est votre position sur la loi Hadopi qui vient d'entrer en application ?
JMJ : Je crois à ses vertus pédagogiques, pas tellement à son efficacité en terme de répression. Pour moi, la solution, c'est de faire payer les fournisseurs d'accès à internet (FAI). On l'a bien fait pour la télévision ou la radio qui diffusent de la musique et des films. Or, les FAI ont les mêmes avantages fiscaux, parce qu'ils servent eux aussi à la diffusion de la culture, mais ils ne paient pas de droits d'auteur. C'est absolument anormal.
14 mars 2014
Le pape de l'électro a envoûté le palais Nikaïa (Nice-matin, 22/3/2010)
Hier soir, à coups de lasers et de rythmes électroniques tout en harmonie Jean Michel Jarre a électrisé une foule conquise de 4 000 personnes.
Telle une rock-star, Jean Michel Jarre est apparu hier soir au milieu de son public. Tout de noir vêtu, en jean, baskets et chemise, il arpente en courant les travées de la salle Nikaïa en tapant dans les mains de ses fans. Ils n’ont d’yeux que pour lui. Lui, le mythe de la musique électro qui s’est produit dans la Cité interdite de Pékin ou au pied des pyramides d’Égypte. Cette fois-ci, pour sa première tournée mondiale «indoor», en salle fermée, le pape de l’électro et son équipe étaient un peu, hier soir, chez eux à Nice. «Beaucoup de techniciens de la société Arpège qui nous suivent sur ce concert sont d’ici. On les applaudit !»
:: Un bain de décibels ::
Devant l’étal de synthés et de tables de mixage, l’artiste et ses trois musiciens peuvent lancer la grand-messe électronique. Celui qui a vendu 80 millions d’albums dans le monde s’amuse toujours comme un adolescent et ça se voit. Sourires aux lèvres et doigt pointé vers la foule, il n’hésite pas à improviser des morceaux en «live», lui qui dit monter sur scène «toujours avec le trac du débutant».
Dans un bain de décibels fluides et un raz-de-marée de lasers multicolores, les hits planétaires s’enchaînent. Les classiques comme Oxygène (sorti en 1976, déjà !) ou Équinoxe font chavirer la foule. Le message écolo n’est pas oublié pour ce précurseur de l’écologie, qui affiche sur grand écran le décompte des personnes privées d’eau potables ou le nombre de barils de pétrole restants avant la pénurie. Après deux heures d’un show envoûtant, une seule question : à quand Jean-Michel Jarre en plein air dans le grand stade de Nice ?
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13 mars 2014
Jean-Michel Jarre garnement électronique (La Dépêche, 24/3/2010)
La dernière fois (et la seule ?) où il s'était produit dans la région, c'était il y a douze ans, au stade de Montauban. Il affectionnait alors les vastes espaces en plein air, les mises en scènes spectaculaires sinon pompeuses. Hier soir, à 61 ans, Jean Michel Jarre a investi le Zénith de Toulouse, entouré de dizaines de machines électroniques et de trois excellents complices, experts comme lui des synthétiseurs millésimés.
Devant une jolie salle de 5 000 personnes, mais avec la volonté de « désacraliser » une musique souvent perçue comme froide et rébarbative, il s'est montré tour à tour concentré et rigolard, courbé sur ses drôles d'instruments ou galopant comme un garnement. Pendant plus deux heures (avec « Oxygène » en rappel, évidemment), Jean Michel Jarre a pris un malin plaisir à « humaniser » son monde de science-fiction, multipliant les sourires et les incitations à taper dans les mains. Il avait promis un son parfait et ça a été le cas ; des tubes et il les a enchaînés pour un public sage et résolument nostalgique. Une mise en scène classique a laissé parler les tapis de sons mystérieux, les rythmes obsédants ; les magnifiques lumières comme des drapés de velours. Belle plongée dans un autre monde qui n'oublie pas le nôtre, surpeuplé et pollué, source de toutes les angoisses.
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12 mars 2014
Jarre au bout du chemin de Saint-Jacques (La Croix, 29/7/2010)
Le musicien français habitué aux shows gigantesques investit samedi 31 juillet au soir le parvis de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle pour un grand concert gratuit.
La façade baroque de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle revêtira samedi 31 juillet au soir une parure futuriste aux allures d' Oxygène et de Chants magnétiques, d'Équinoxe et de Rendez-vous : quatre albums parmi les 23 que Jean-Michel Jarre a enregistrés en trente-cinq ans de succès en solitaire. Loin des modes, mais toujours au sommet de la popularité planétaire.
À bientôt 62 ans, mais la crinière toujours noire, il offrira un spectacle de sons, de lumières et d'images aux milliers de pèlerins venus célébrer l'année jubilaire sur la plaza del Obradoiro. Ils découvriront son attirail insolite : sa harpe laser, son thérémine, ses AKS, ARP, RMI, Memory Moog autant d'imposants synthétiseurs analogiques au charme rétro dont cet artiste, qui se dit « artisan de la musique électronique », parle amoureusement, comme de « ses Stradivarii » : « Ils ont une âme, une texture qu'on ne peut reproduire avec un ordinateur », assure-t-il avec un enthousiasme juvénile, « mais ils ont cessé d'être fabriqués sans avoir atteint l'âge adulte ».
Ces curieuses machines, Jean-Michel Jarre les a faites siennes dès la fin des années 1960. C'est le temps où, jeune homme, il fait partie du Groupe de recherches musicales (GRM) auprès de Pierre Schaeffer, son maître.
:: L'électro émane de la tradition classique européenne ::
« Nous composions à partir des sons, sans solfège, ce qui était une révolution. Nous célébrons le centenaire de Schaeffer le 14 août. Il est honteux que la France n'honore pas la mémoire de ce père de la musique concrète qui, s'il était américain, serait plus important que John Cage », déplore-t-il, heureux que sa tournée actuelle lui permette de rendre cet hommage.
Heureux aussi de voir une nouvelle génération d'artistes de la scène électronique française prendre le pouvoir : les Daft Punk, Justice, Vitalic, Sébastien Tellier, Turzi, Koudlam, Air « L'électro n'appartient pas aux Anglo-Saxons, elle émane de la tradition classique européenne et tous ces musiciens le montrent ; Tellier notamment, avec qui j'aimerais travailler, pourquoi pas, en me remettant à l'écriture », confie cet ancien parolier, à qui l'on doit notamment le texte inoubliable des Mots bleus, de Christophe.
Le concert de demain fait partie du «Tour 2010» de Jean-Michel Jarre, sa première « tournée mondiale » qui l'amènera cet automne, après des détours par Beyrouth et les îles Britanniques, dans plusieurs villes françaises. Rien de commun, en principe, avec le gigantisme des shows passés, à plus d'un million de spectateurs par soir, dans des lieux prestigieux : « Ces endroits, je ne les ai jamais choisis, explique-t il, modeste. Les organisateurs ont fait appel à moi, comme Lech Walesa, en 2005, pour fêter les 25 ans de Solidarité à Gdansk. »
Outre le port polonais, Jarre a laissé sa trace à Paris (la Concorde en 1979, la Défense en 1990, la tour Eiffel en 1995), sur les gratte-ciels de Houston (pour les 25 ans de la Nasa, en 1986 : un concert devenu hommage aux victimes de la navette Challenger), dans les docks de Londres (sous une pluie diluvienne, en 1988) et au coeur de Moscou (en 1997, pour les 850 ans de la ville : 3,5 millions de spectateurs et une liaison avec la station Mir), sur les pyramides de Gizeh (en 2000), l'Acropole d'Athènes (2001), la Cité interdite à Pékin (2004) ou le désert marocain (2006).
:: Jarre se défend de toute mégalomanie ::
Impressionnante, la liste serait incomplète sans Lyon, sa ville natale, où il se produit à l'invitation du cardinal Decourtray en 1986, lors de la venue du pape Jean-Paul II. « Au bonheur de jouer chez moi s'ajoutait celui d'une rencontre avec le Saint-Père. Je songeais à l'attentat de 1981 dont il devait garder des séquelles. Or, il semblait infatigable, dégageait un charisme inoubliable. Nous avons parlé de la fin du communisme et des relations intimes entre la musique et la spiritualité. Je me suis rendu compte qu'il avait écouté ma musique en Pologne, avant son pontificat, alors qu'elle y était interdite. Elle constituait, disait-il, un symbole de liberté ».
Jarre se défend de toute mégalomanie : « Ce parcours, c'est celui d'une vie qu'on ne choisit pas, que je ne maîtrise pas. Tout m'est tombé dessus, d'en haut. Comme l'inspiration musicale : je cherche, jusqu'au jour où la fontanelle s'ouvre. Mais je crois conserver l'innocence de mes débuts. »
À Saint-Jacques, invité par l'archevêque, Mgr Barrio, le musicien, également ambassadeur de l'Unesco (depuis 1993), proposera ses oeuvres « connues ou récentes » en un lieu « symbole de réunion spirituelle et émotionnelle pour toute l'humanité », heureux que la religion soit « en phase avec son époque, comme elle le fut au temps des cathédrales, à l'architecture avant-gardiste ».
Affecté par les décès récents de son père, le compositeur Maurice Jarre (en mars 2009), de sa mère, l'ancienne résistante France Pejot (en avril 2010), et de son ami et producteur Francis Dreyfus (le 24 juin), il veut aussi faire de ce concert « une communion » : « J'ai une relation singulière avec le ciel. » Et d'ajouter : « Celui de Dieu comme celui que les hommes conquièrent. »
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