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21 février 2014

Jarre : Son nouveau disque aux enchères (Le JDD, 03/07/1983)

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coupure presse,1983,musique pour supermarche:: On n’en a tiré qu’un seul exemplaire et la matrice sera détruite ::
Quoi de plus banal qu’un disque ? Mais quand celui-ci n'existe qu'en un seul exemplaire, rareté oblige, l’objet devient aussi précieux qu’une toile de maître. C’est du moins ce qu espère son auteur Jean-Michel Jarre. Cet album unique baptisé «Musique pour supermarché» sera vendu aux enchères le 6 juillet à 20 h 30 à I’hôtel Drouot en même temps que la collection d’art de Jean-Claude Riedel. La pochette, constituée par onze photos polaroïd retrace les différentes étapes de la fabrication du disque. La 12è place, elle, est réservée au futur acheteur qui pourra y aposer sa photo. Ainsi le cycle sera bouclé. Tout a commencé en février dernier, date à laquelle le disque a été enregistré devant huissier. Afin qu’aucun doute ne subsiste, la matrice qui a servi au pressage sera détruite en public après la vente.

Une affaire bien montée. Un coup de pub diront certains. Peu probable. Quand on vend 25 millions de disques en trois albums, l’argument s’écroule tel un chateau de cartes. Le but recherché alors ? (Revaloriser le disque, en faire un exemplaire unique au même titre qu’un tableau ou une sculpture. Et pas un objet commercial multipliable à I’infini comme un paquet de mouchoirs en papier ou un pot de yaourt « . D’où le titre « Musique pour supermarché ». « Un clin d’oeil, dit Jean-Michel Jarre, puisqu’on ne le trouvera jamais dans les rayons des grandes surfaces). Et il ajoute : « Les supermarchés seront les musées de demain. La preuve, la vogue actuelle pour les objets des années cinquante, manufacturés et sans valeur à l’époque. »

:: La musique de chacun? ::
Quoi qu’il en soit, les fans de lean-Michel Jarre risquent de se sentir lésés. La musique n’appartient-elle pas à tout le monde ? Une chance pourtant. Le soir-même de la vente, l’album sera diffusé intégralement à 22 h 30 sur RTL. « La seule occasion de le pirater, dit son auteur avec humour.
Faut-il y voir on appel ? «Oui et non, réplique-t-il. Aujourd’hui, ce sont les mêmes sociétés qui fabriquent les disques, magnétophones ou magnétoscopes et qui dénoncent la piraterie. Je pense qu’on ne peut pas interdire la copie privée et que d’ici à dix ans le problème aura en partie disparu, avec la diffusion du disque laser . Un produit musicalement parfait et inusable. » Et de conclure sur ces mots : « La musique pour tous peut être aussi la musique de chacun. »

11 février 2014

Son disque unique vendu 69.000 francs! (le Parisien Libéré, 7/7/1983)

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« Je n’aurais pas cru qu’un seul morceau de cire puisse rapporter autant de galettes… » : Par cette boutade, je pense résumer l’impression de l’artiste Jean-Michel Jarre et du commissaire-priseur maître Pierre Cornette de Saint-Cyr, à l’issue de la vente aux enchères à l’hôtel Droutot, de l’exemplaire unique de «Musique pour supermarché», une pièce que Jarre se déclarait prêt à céder à 60 F, dont il pensait trouver acquéreur à 25 000 F et qui a été adjugée à 69 000 F.

L’heureux propriétaire, M. Gérard, est un administrateur de biens, collectionneur de disques à ses heures perdues et qui connaît Jarre pour l’avoir rencontré non pas dans les milieux du show-business, mais régulièrement en vacances depuis une dizaine d’années. Dans la salle, à l’exception de Christophe et de Charlotte Rampling, le monde du spectacle ne se trouvait guère représenté.

Aux habitués de l’univers des cimaises, se mêlaient les réprésentants des télévisions du monde entier, quelques inconditionnels du compositeur d’Oxygène et des badauds venus assister, à l’issue de la vente, de la collection de Jean-Claude Riedel, à l’ »événement » : l’holocauste (c’est le terme employé par Pierre Cornette de Saint-Cyr) au chalumeau, de la matrice du disque, en l’absence de l’artiste timidement caché dans les coulisses, mais en présence des huissiers et de Charlotte Rampling. Une cérémonie au cours de laquelle ont fusé toutes les plaisanteries que vous pouvez imaginer, de : « Auriez-vous du feu pour ma cigarette ? » à « l’expert est de mèche », en passant par « voilà une musique qui chauffe » ; des propos sur lesquels, une fois le microsillon brûlé, personne n’a toutefois réclamé des droits d’odeur.

31 janvier 2014

Jean-Michel Jarre: "Piratez-Moi…" (Numéro 1, 07/07/1983)

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coupure presse,musique pour supermarché,1983Jean-Michel Jarre n’aime pas la banalité et la vie du commun des mortels. Super star il l’est, super star il veut le rester. Pour cela, taus les moyens sont bons. II y a deux ans, le 14 juillet, Jean-Michel donnait, place de la Concorde, une messe républicaine pour synthétiseurs de choc. Plus de 100 000 personnes étaient au rendez-vous: les télévisions, les radios et la presse faisaient une haie d’honneur au nouveau Mozart des synthés. Une video immortalisait l'événement pour la postérité. Outre ses disques d’or et de platine, sa carrière internationale, enviable, et ses plans démentiels (investir l’Opéra de Paris avec sa musique, devenir le metteur en scène musical de nos espaces quotidiens : gares, aéroports, etc.), Jarre cultive son statut de star, et soigne avec minutie l’image du créateur un peu fou. Au milieu d’une machinerie électronique, insondable pour le reste de l’humanité. Que faire pour rester au sommet ? Faire parler de soi, toujours, surtout lorsque l'on est conscient que sa musique se dévalorise d’année en année.
Tel est l’objectif de Jean-Michel Jarre aujourd’hui. Publicité maximum et mise en scène bien étudiée pour une opération unique en son genre. En effet, Jean-Michel Jarre compose un album qui sera unique: il n’y aura qu’un exemplaire dans le monde de cette composition. Première dans I’histoire du disque, I’opération est rondement menée en compagnie de R.T.L. Tout le beau monde se retrouve le 6 juillet à Paris, pour la vente aux encheres du seul exemplaire du nouveau disque de Jarre. Dans le cadre de l’hôtel Drouot, on assiste à la manifestation la plus parisienne qui soit. Début spectaculaire : destruction par le feu de la matrice devant huissier. Puis c’est le moment tant attendu où le disque est "adjugé vendu" pour la coquette somme de 69.000 Francs.
L'acquéreur veut garder l'anonymat. On le comprend aisément : en ces temps de crise, une telle opération a de quoi soulever la hargne des plus nécessiteux. La soirée se termine en beauté. Jean-Michel Jarre est heureux. Son dernier disque, aussi insipide soit-il, ne sera pas passé inaperçu. Surtout qu’au même moment, sur R.T.L., les auditeurs se pressaient de pirater l’unique diffusion de la galette d’or. On sait aussi faire dans le social, en France… !

25 novembre 2013

Le Matin sur "Musique pour supermarché" (6/07/1983)

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Article de presse paru dans "Le Matin" le 6 juillet 1983:
Son nouveau disque est tiré à un seul exemplaire et vendu ce soir aux enchères.

Un disque unique pressé en un seul exemplaire de Jean Michel Jarre sera mis en vente ce soir à la salle Drouot par Me Pierre Cornette de Saint-Cyr. Un disque unique pour un acheteur unique comme un tableau n’a qu’un seul propriétaire c’est un événement assez étonnant et un coup de pub beaucoup plus intelligent et beaucoup moins anodin qu’il n’y paraît.

La seule concession faite est d’ailleurs en elle-même une provocation subtile au piratage puisque, à l’issue de la vente, le disque intitulé Musique pour supermarché sera diffusé une seule fois en intégralité sur une radio périphérique, RTL pour ne pas la nommer. Ce sera l’unique occasion de l’entendre, sauf pour l’acheteur, évidemment !

Le compositeur, avec ce sourire distancié qui est sa marque, dit : « A une époque où tout est standardisé, surdiffusé, où l’on est sans cesse surinformé, saturé d’images et de sons, il m’a semblé intéressant de démontrer qu’un disque n’est pas seulement un produit commercial sans valeur et multipliable à l’infini, mais peut, comme le tableau d’un peintre, le bronze d’un sculpteur, faire partie intégrante de la création d’un musicien… »

Le défi, le pari, l’humour, ne sont pas de son seul fait puisque Francis Dreyfus, le producteur de Jean Michel Jarre, propriétaire du label Motors et propriétaire heureux puisqu’il tourne pour cet été avec deux tubes exceptionnels : Succès fou, de Christophe et le Grand Prix Eurovision 1983 attribué au… Luxembourg [avec Corinne Hermès, chanson "Si la vie est cadeau"], a accepté de se prêter à cette expérience d’un album unique hors des circuits coutumiers, démontrant ainsi qu’une société commerciale peut aussi reconnaître l’identité des artistes.

Composé entre février et mai 1983 et tiré devant huissier à un seul exemplaire, cette musique pour supermarché fournit encore l’occasion à Jean Michel Jarre de régler un vieux compte avec les autorités musicales et culturelles qui, depuis deux lustres, privilégient à coup de subventions… royales, une musique élitiste, écoutée et vendue à des tirages presque aussi limités que son seul exemplaire : « Le supermarché, dit-il, sera reconnu un jour comme l’authentique maison de la culture des années 80. Vive les supermarchés, notre environnement est un supermarché : métissage des produits, mélange des consommateurs et des encaisseurs, tout est à vendre, tout se banalise, tout s’altère, tout se transforme. »

Cette grande première musicale (exposition à parir de 14 h et vente à 20 h 30) s’inscrit dans une vente des plus passionnantes de la collection Jean-Claude Riedel. L’un des trop rares marchands de tableaux qui depuis des années s’échine à habiliter des peintres aussi originaux que Jon Coburn, Bruce Dunner, Marthe Hirt ou Maurice Rapin et des sculpteurs comme Daniel Aulagnier et Abel Ogier. Un contexte non fortuit et qui donne un aspect progressiste à l’initiative d’une des stars du show-business. Il faut tout de même porter au crédit de Jean Michel Jarre que son dernier album Les Concerts en Chine s’est déjà vendu de par le monde à quelques millions d’exemplaires et qu’il n’a donc rien à voir avec un artiste en perte de vitesse cherchant à redorer son image !

17 août 2013

Interview de Frédérick Rousseau (1990)

Interview à Claviers magazine en janvier 1990 de Frédérick Rousseau, qui a travaillé avec Jean Michel Jarre entre 1981 et 1985, et ponctuellement en 1990 pour le concert de La Défense.


1990,frederick rousseauQuand avez-vous rencontré Jean Michel Jarre pour la première fois?
Frédérick Rousseau : C'était un jour d'avril 1981, Jean Michel est venu au magasin Music Land où je faisais des démonstrations du MDB, le premier séquenceur à huit voies CV Gate. Il m'a proposé de partir en Chine avec lui et j'ai accepté.
Pendant l'été, j'ai reprogrammé toutes ses séquences. Je travaillais sur un modulaire RSF avec huit programmeurs. Il y avait trois enjeux : premier grand concert live de Jean Michel, on était quatre sur scène, et il fallait tout faire sans se planter. En tout, cinq concerts, deux à Pékin, trois à Shanghai. Tout a été enregistré live, on a remixé à Paris. Et cela a donné Les Concerts en Chine. En Chine, on arrivait sur une terre vierge, avec un décalage horaire de trente ans (sic)… Imagine la soucope volante de "Rencontres du troisième type" atterrissant sur la Concorde !

Des galères techniques?
F.R. : À Shanghai, à un moment, on passe d'Equinoxe IV à l'Arpégiateur. Je charge le programme dans le MDB, et je fais "Play" et la séquence s'arrête au bout de deux mesures… Quand tu es devant soixante mille personnes, il y a un vent de panique sur scène. J'appelle Perrier : "Fais-moi une nappe de violons avec deux-trois effets, je refais l'interface…" Nouveau plantage. J'appelle Jean Michel : "On ne peut pas jouer ce titre-là" "Bouge pas, j'arrive…" On a refait un morceau entièrement live : on a fait une séquence de base, "dong-dong-dong-dong", qui s'est mise en boucle. On passe sur la piste suivante avec un autre son, petite séquence en temps réel avec des blancs. Troisième poste, quatrième. Jean Michel avait fait toutes les séquences en Do majeur. il est parti du Do pour lancer l'intro, et ensuite il était au casque intercom et il faisait "Mi bémol, poum, la-lala, poum, lalala, poum"…

Pour toi, ce fut une expérience fantastique?
F.R. : Mon seul souci, c'était d'assurer. J'étais conscient de ma responsabilité dans le déroulement du conct (toutes les séquences !). Je savais que cela pouvait de me faire une place dans le monde de la musique. Et effectivement, j'ai créé un studio, et je travaille maintenant avec de grands artistes… Le seul costard qu'on m'a taillé en Chine, c'est qu'on l'a surnommé le pingouin. parce que j'étais souvent habillé en noir et blanc et que je n'arrêtais pas de râler. Quand je râle, je lêve les bras, et je ressemble à un pingouin…

Vient ensuite votre travail sur Zoolook.
F.R. : Il y a eu d'abord Musique pour supermarché, qui a permis de préparer le terrain. Zoolook a compris cinq phases. D'abord, le master sur 24-pistes. L'idée état de gérer des samplings, des boucles de sons, des sons arythmiques déclenchés par des percussions. On a mis Arlette Laguiller à la place d'une charleston, Bernard Pivot, etc. Jean Michel a passé plus de trois mois en studio à choisir des samoles de voix indiennes, esquimaudes, grâce aux enregistrements fournis par Xavier Bellenger. Denis Vanzetto est entré dans l'équipe à ce moment-là. On a faut le faleux son du début d'Ethnicolor, un cri humain lu à l'envers à une vitesse ralentie deux fois. On y passait des jours et des nuits…

F.R. : Puis vous partez aux États-Unis…
C'est la deuxième phase du délire : New York, avec Laurie Anderson, Yorgi Horton à la batterie, Marcus Miller à la basse, Adrian Belew à la guitare… de retour en France, Jean Michel a voulu rendre le travail des américains le plus "européen" possible. Alors, il a fallu sampler entièrement la batterie de Yorgi, les charleys, les cymbales, les toms, et les redéclencher par la Linn, pour obtenir une rigueur mécanique, mais avec les sons de Yogi Horton. Pareil pour Marcus Miller, qui jouait trop dans le style Miles Davis. il y avait un côté "couper/coller" bien avant toute la vague du sampling… Quatrième phase, il a fallu aller à Londres faire le mix avec David Lord. Cinquième phase, faire cela en numérique.

F.R. : Cette expérience t'a beaucoup appris?
Jean Michel pousse le délire de la production jusqu'au bout. J'ai tenu avec lui pendant quatre ans et demi, à la fin j'ai craqué : il m'a rendu fou! Mais je ne le regrette pas, car il m'a appris à aller au bout des choses, avec la fameuse dernière line droite. Quand on fait un disque, commencer les rythmiques, etc. C'est très simple. Mais ensuite finaliser le produit et faire qu'après le mixage, le morceau soit toujours aussi génial et ait autant d'émotions, c'est terriblement compliqué. J'adore son côté puriste et perfectionniste. Pour moi, la perfection c'est pousser une idée au maximum. La perfection devient ridicule quand tu vas tellement loin que tu détruis l'idée majeure. Jean Michel est assez fort dans la mesure où il s'arrête avant. En ayant travaillé cinq ans avec lui, je suis devenu son disciple…

F.R. : Comment travaille Jean Michel en studio?
Jarre, c'est le professeur Tournesol : il branche le truc avec le machin, le machin avec le bidule et ça fait un bruit invraisemblable! Je l'imagine beaucoup plus avec un synthé dans ne boîte à chaussures que dans un décor "Star Wars" nickel avec des D-50 partout. Avec les vieilles machines, il va reprendre goût à la musique, il va la pousser au bout. Il faut qu'il retrouve l'excitation du synthé. C'est un des artistes qui a le plus de santé dans ce métier. Il est à la fois lève-tôt et couche-tard! Quand je mangeais la moquette tellement j'étais épuisé, lui, il était debout en train de dire : "Attends, il faudrait encore faire ça." Il est incassable…


Propos recueillis par Christian Jacob