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25 novembre 2013

Le Matin sur "Musique pour supermarché" (6/07/1983)

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Article de presse paru dans "Le Matin" le 6 juillet 1983:
Son nouveau disque est tiré à un seul exemplaire et vendu ce soir aux enchères.

Un disque unique pressé en un seul exemplaire de Jean Michel Jarre sera mis en vente ce soir à la salle Drouot par Me Pierre Cornette de Saint-Cyr. Un disque unique pour un acheteur unique comme un tableau n’a qu’un seul propriétaire c’est un événement assez étonnant et un coup de pub beaucoup plus intelligent et beaucoup moins anodin qu’il n’y paraît.

La seule concession faite est d’ailleurs en elle-même une provocation subtile au piratage puisque, à l’issue de la vente, le disque intitulé Musique pour supermarché sera diffusé une seule fois en intégralité sur une radio périphérique, RTL pour ne pas la nommer. Ce sera l’unique occasion de l’entendre, sauf pour l’acheteur, évidemment !

Le compositeur, avec ce sourire distancié qui est sa marque, dit : « A une époque où tout est standardisé, surdiffusé, où l’on est sans cesse surinformé, saturé d’images et de sons, il m’a semblé intéressant de démontrer qu’un disque n’est pas seulement un produit commercial sans valeur et multipliable à l’infini, mais peut, comme le tableau d’un peintre, le bronze d’un sculpteur, faire partie intégrante de la création d’un musicien… »

Le défi, le pari, l’humour, ne sont pas de son seul fait puisque Francis Dreyfus, le producteur de Jean Michel Jarre, propriétaire du label Motors et propriétaire heureux puisqu’il tourne pour cet été avec deux tubes exceptionnels : Succès fou, de Christophe et le Grand Prix Eurovision 1983 attribué au… Luxembourg [avec Corinne Hermès, chanson "Si la vie est cadeau"], a accepté de se prêter à cette expérience d’un album unique hors des circuits coutumiers, démontrant ainsi qu’une société commerciale peut aussi reconnaître l’identité des artistes.

Composé entre février et mai 1983 et tiré devant huissier à un seul exemplaire, cette musique pour supermarché fournit encore l’occasion à Jean Michel Jarre de régler un vieux compte avec les autorités musicales et culturelles qui, depuis deux lustres, privilégient à coup de subventions… royales, une musique élitiste, écoutée et vendue à des tirages presque aussi limités que son seul exemplaire : « Le supermarché, dit-il, sera reconnu un jour comme l’authentique maison de la culture des années 80. Vive les supermarchés, notre environnement est un supermarché : métissage des produits, mélange des consommateurs et des encaisseurs, tout est à vendre, tout se banalise, tout s’altère, tout se transforme. »

Cette grande première musicale (exposition à parir de 14 h et vente à 20 h 30) s’inscrit dans une vente des plus passionnantes de la collection Jean-Claude Riedel. L’un des trop rares marchands de tableaux qui depuis des années s’échine à habiliter des peintres aussi originaux que Jon Coburn, Bruce Dunner, Marthe Hirt ou Maurice Rapin et des sculpteurs comme Daniel Aulagnier et Abel Ogier. Un contexte non fortuit et qui donne un aspect progressiste à l’initiative d’une des stars du show-business. Il faut tout de même porter au crédit de Jean Michel Jarre que son dernier album Les Concerts en Chine s’est déjà vendu de par le monde à quelques millions d’exemplaires et qu’il n’a donc rien à voir avec un artiste en perte de vitesse cherchant à redorer son image !