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12 mars 2014

Jarre au bout du chemin de Saint-Jacques (La Croix, 29/7/2010)

2010,tournée


Le musicien français habitué aux shows gigantesques investit samedi 31 juillet au soir le parvis de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle pour un grand concert gratuit.

La façade baroque de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle revêtira samedi 31 juillet au soir une parure futuriste aux allures d' Oxygène et de Chants magnétiques, d'Équinoxe et de Rendez-vous : quatre albums parmi les 23 que Jean-Michel Jarre a enregistrés en trente-cinq ans de succès en solitaire. Loin des modes, mais toujours au sommet de la popularité planétaire.

À bientôt 62 ans, mais la crinière toujours noire, il offrira un spectacle de sons, de lumières et d'images aux milliers de pèlerins venus célébrer l'année jubilaire sur la plaza del Obradoiro. Ils découvriront son attirail insolite : sa harpe laser, son thérémine, ses AKS, ARP, RMI, Memory Moog… autant d'imposants synthétiseurs analogiques au charme rétro dont cet artiste, qui se dit « artisan de la musique électronique », parle amoureusement, comme de « ses Stradivarii » : « Ils ont une âme, une texture qu'on ne peut reproduire avec un ordinateur », assure-t-il avec un enthousiasme juvénile, « mais ils ont cessé d'être fabriqués sans avoir atteint l'âge adulte ».

Ces curieuses machines, Jean-Michel Jarre les a faites siennes dès la fin des années 1960. C'est le temps où, jeune homme, il fait partie du Groupe de recherches musicales (GRM) auprès de Pierre Schaeffer, son maître.

:: L'électro émane de la tradition classique européenne ::
« Nous composions à partir des sons, sans solfège, ce qui était une révolution. Nous célébrons le centenaire de Schaeffer le 14 août. Il est honteux que la France n'honore pas la mémoire de ce père de la musique concrète qui, s'il était américain, serait plus important que John Cage », déplore-t-il, heureux que sa tournée actuelle lui permette de rendre cet hommage.

Heureux aussi de voir une nouvelle génération d'artistes de la scène électronique française prendre le pouvoir : les Daft Punk, Justice, Vitalic, Sébastien Tellier, Turzi, Koudlam, Air… « L'électro n'appartient pas aux Anglo-Saxons, elle émane de la tradition classique européenne et tous ces musiciens le montrent ; Tellier notamment, avec qui j'aimerais travailler, pourquoi pas, en me remettant à l'écriture », confie cet ancien parolier, à qui l'on doit notamment le texte inoubliable des Mots bleus, de Christophe.

Le concert de demain fait partie du «Tour 2010» de Jean-Michel Jarre, sa première « tournée mondiale » qui l'amènera cet automne, après des détours par Beyrouth et les îles Britanniques, dans plusieurs villes françaises. Rien de commun, en principe, avec le gigantisme des shows passés, à plus d'un million de spectateurs par soir, dans des lieux prestigieux : « Ces endroits, je ne les ai jamais choisis, explique-t il, modeste. Les organisateurs ont fait appel à moi, comme Lech Walesa, en 2005, pour fêter les 25 ans de Solidarité à Gdansk. »

Outre le port polonais, Jarre a laissé sa trace à Paris (la Concorde en 1979, la Défense en 1990, la tour Eiffel en 1995), sur les gratte-ciels de Houston (pour les 25 ans de la Nasa, en 1986 : un concert devenu hommage aux victimes de la navette Challenger), dans les docks de Londres (sous une pluie diluvienne, en 1988) et au coeur de Moscou (en 1997, pour les 850 ans de la ville : 3,5 millions de spectateurs et une liaison avec la station Mir), sur les pyramides de Gizeh (en 2000), l'Acropole d'Athènes (2001), la Cité interdite à Pékin (2004) ou le désert marocain (2006).

:: Jarre se défend de toute mégalomanie ::
Impressionnante, la liste serait incomplète sans Lyon, sa ville natale, où il se produit à l'invitation du cardinal Decourtray en 1986, lors de la venue du pape Jean-Paul II. « Au bonheur de jouer chez moi s'ajoutait celui d'une rencontre avec le Saint-Père. Je songeais à l'attentat de 1981 dont il devait garder des séquelles. Or, il semblait infatigable, dégageait un charisme inoubliable. Nous avons parlé de la fin du communisme et des relations intimes entre la musique et la spiritualité. Je me suis rendu compte qu'il avait écouté ma musique en Pologne, avant son pontificat, alors qu'elle y était interdite. Elle constituait, disait-il, un symbole de liberté… ».

Jarre se défend de toute mégalomanie : « Ce parcours, c'est celui d'une vie qu'on ne choisit pas, que je ne maîtrise pas. Tout m'est tombé dessus, d'en haut. Comme l'inspiration musicale : je cherche, jusqu'au jour où la fontanelle s'ouvre. Mais je crois conserver l'innocence de mes débuts. »

À Saint-Jacques, invité par l'archevêque, Mgr Barrio, le musicien, également ambassadeur de l'Unesco (depuis 1993), proposera ses oeuvres « connues ou récentes » en un lieu « symbole de réunion spirituelle et émotionnelle pour toute l'humanité », heureux que la religion soit « en phase avec son époque, comme elle le fut au temps des cathédrales, à l'architecture avant-gardiste ».

Affecté par les décès récents de son père, le compositeur Maurice Jarre (en mars 2009), de sa mère, l'ancienne résistante France Pejot (en avril 2010), et de son ami et producteur Francis Dreyfus (le 24 juin), il veut aussi faire de ce concert « une communion » : « J'ai une relation singulière avec le ciel. » Et d'ajouter : « Celui de Dieu comme celui que les hommes conquièrent. »

00:00 Publié dans Interviews / Presse | | Tags : 2010, espagne, coupure presse |  Facebook | | |