08 janvier 2014
En quête d'éphémère (Tribune de Genève, 27/11/2007)
Trente ans après, le musicien français rejoue «Oxygène». Rencontre.
On retient son éternelle jeunesse d’homme-cosmonaute maniant un drôle de clavier. Jean Michel Jarre, ses mélodies dansantes et ses nappes de son planant entre les buildings d’Houston ou les clochers de Lyon ont marqué les esprits en imposant la formule du «mega concert». Mais avant de faire exploser le light show dès 1979, Jarre s’est distingué parmi les premiers compositeurs de musiques électroniques grand public.
Si, aujourd’hui, l’équation semble aller d’office – notamment depuis l’avènement de la techno – il en allait tout autrement en 1977, lorsque sortait Oxygène. Faux premier disque et vrai début commercial, le fameux album reparaît trente ans après, avec les explications de son auteur.
Il y a trente ans, quel était l’état d’esprit?
On avait une vision poétique du futur. En 1977, il y avait de l’irrationnel dans la technologie. Pour ma part, j’avais un fantasme, faire le pont entre la musique expérimentale à laquelle je m’étais formé et la pop music.
En 2007, pourquoi rejouer «Oxygène»?
Cet album, je l’ai pratiquement fait dans ma cuisine. Dans ce qu’on appellerait aujourd’hui un «home studio». Déjà à l’époque, j’avais envie de faire cela dans un grand studio avec les instruments d’alors, les synthétiseurs analogiques.
Quelle est la particularité de ces instruments?
Mellotron, Farfisa ou ARP sont à la base de l’electro. Au même titre que les violons Stradivarius, leur fabrication s’est arrêtée brusquement. Ceux que l’on emploie aujourd’hui datent par conséquent d’il y a trente ans. On les voit comme déshumanisés, froids. Comme les synthétiseurs numériques d’aujourd’hui. En fait, Mellotron et consort sont très poétiques. Un mélange de bois, de transistors et de lampes.
Aujourd’hui, vous jouez «Oxygène» en live. Etait-ce possible en 1977?
Ça ne se faisait pas. La musique électronique, c’était avant tout du laboratoire. Car autant les instruments rock sont venus de la scène pour être ensuite électrisés, autant les synthétiseurs analogiques sont nés en studio pour en sortir.
«Oxygène», c’est quoi au juste comme musique?
Une musique impressionniste. A l’inverse de Kraftwerk, qui se rapportait à l’expressionnisme allemand, à la froide robotique de Metropolis. J’étais obsédé par autre chose: rien ne devait se répéter à l’identique. C’est pourquoi chacune des séquences est jouée à la main. Cela donne des accidents. De même, nous n’arrivions jamais à accorder exactement tous les instruments.
Quel regard portez-vous sur les musiques d’aujourd’hui?
Nous sommes dans une équation de recyclage. C’est une démarche écologique où rien n’est inédit. Les créateurs du XXIe siècle n’ont pas l’innocence d’avant. On écoute les sixties comme Beethoven ou Chopin. Désormais, lorsque l’on joue du rock, il y a trente ans d’histoire derrière. C’est pourquoi on retourne vers des instruments comme le Mellotron, dont la mémoire ne dépasse pas sept secondes. Trente ans, après on recherche à nouveau l’éphémère. Moi-même, j’ai toujours eu l’impression de faire des brouillons.
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07 janvier 2014
Equinoxe 4 (8:14) Version inédite
Equinoxe 4 en version longue, inédite sur CD.
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06 janvier 2014
L'Express: Jarre met le feu au son (5/6/1987)
Lyon, le désert australien… Il veut tout faire flamber. Antenne 2 lui donne «Carte blanche»
Des 6 h 45, le 11 juin, il prendra l’antenne. Et ne la lâchera plus de la journée. Pour baptiser sa série « Carte blanche à… », A 2 recevra, ce jour-là, Jean-Michel Jarre. Commentaires de l’actualité, diffusion de son show de Lyon, aller et retour à Londres : il n’y en aura que pour lui, le roi de. la musique synthético-plastique. Un phénomène qui se décline comme une série de records: 12 millions de disques vendus ; des space-opéras qui embrasent des villes entières ; la première tournée (triomphale) en Chine populaire.
Jarre, l’homme des superlatifs. L'artiste se présente : «Je me suis couché à 8 heures du matin, j’ai dû remixer mon album.» Vieille rengaine. Pourtant, son visage lisse n’accuse aucune lassitude. Il a 38 ans, en parait dix de moins. Il est habillé façon chic puces : veste longue aux manches retroussées, chemise blanche immaculée. Un Bernard-Henri Levy croisé de Bernard Giraudeau. Affable, prolixe, un fond de raideur. Bien sûr, on pense à un autre Jarre, Maurice (+), son papa : l’auteur des musiques de «Docteur Jivago», de «Lawrence d'Arabie». Sans émotion apparente, il remet les choses en place: « Mon père est parti pour Hollywood quand j’avais 5 ans. Depuis, on se téléphone une fois par an. Ca dure trois heures. Et puis, on repart chacun de son côté. » Elevé à Lyon par sa mère, une ancienne résistante*, il aura une enfance classique. Et c’est, paradoxalement, au très moderne Groupe de recherche musicale (G.r.m.) de Pierre Schaeffer* qu’il commencera sa carrière. Avenir tout tracé : « La recherche. Les concerts où l’on explique, avant et après, ce que l’on a fait. » Jean-Michel Jarre enchaîne. Il écrit des chansons. Un vrai talent de parolier. Ses clients ? Patrick Juvet et Christophe. C’est avec « Senorita », un hit de ce dernier, qu’il annonce la couleur à venir : « Tous les grands airs d’opéra/Ont des relents de rumba. » En 1976, il enregistre, seul, dans une salle de bains aménagée en studio, une mélodie pour synthétiseur. Personne n’en veut. Six mois plus tard, Oxygène trône dans les charts… Suivent Equinoxe, Les Chants magnétiques. Rebelote avec le succès. Jarre n’est pas satisfait : «La pub m’a tout pillé. Ce que je croyais expérimental était en fait hypercommercial.»
Lassé des concerts traditionnels, il songe à les transformer en d’immenses shows son et lumière. Le premier, en 1979, rameute, place de la Concorde, 1 million de spectateurs. On y dénombre sept accouchements, on y ramasse 350 chaussures et le préfet de police de Paris doit emprunter les égouts pour parvenir à la scène ! L'an dernier, c’est l’anniversaire de Houston. Jarre propose un spectacle total. Coût : 2 millions de dollars, qu’il prend en charge. Un quitte ou double risqué. Challenger: vient d’exploser. Les puits de pétrole ferment. En un concert, il rend confiance au Texas. Le lendemain, les propositions affluent. Londres, New York, Tokyo veulent leur « spectacle Jarre ». Et Lyon, sa ville natale, lui commande une musique pour la bénédiction papale de Fourviere. De la Nasa à Jean-Paul II, un grand écart revendiqué : « J’aime le baroque actuel. Ce monde où tout se mêle. Il y a vingt ans, on croyait au gigantisme et au modernisme. Résultat : c’est Apple qui a réussi, pas I.b.m. A Hong Kong, au bas de I’immeuble le plus moderne de la planète, on lance encore les bâtonnets rituels en l’air afin de déterminer sur quel cheval on misera aux courses. Ma musique est le reflet de cette situation. » De Londres, il annoncera, le 11 juin, son projet fétiche : un immense concert, au milieu du désert australien, avec les aborigènes. Il insiste : « Ce sera la rencontre de la civilisation la plus ancienne du globe avec la technologie la plus high tech. » [Note du blogueur: Ce concert n'aura jamais lieu] Jean-Michel Jarre n’est déjà plus parmi nous. Il habite le troisième millénaire.
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05 janvier 2014
L'académie des 9 (17/06/1985)
Le clip d'Oxygène 4 avec quelques incrustations vidéos supplémentaires. Emission présentée par Jean-Pierre Foucault.
22:59 Publié dans Interviews / Presse |
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03 janvier 2014
Jarre donne son 'Oxygène' à la Chine (12/1981)
Comme un cosmonaute qui descend de son Lem, Jean-Michel Jarre, un mois et demi apres son retour de Chine, est encore « sonné ». Mais avec les soixante personnes qui accompagnaient le premier groupe occidental à s’être produit en Chine, il a reçu le choc de deux civllisations aux concepts et à la philosophie si différents, si éloignés; qu’eIles évoquent l’une pour l’autre bien des mystères et suscitent bien des fascinations. Grâce à lui une porte s’est entrebâillée à un échange culturel plus fréquent. Les Chinois aimaient Brahms. Après Beethoven et Ravel, Jean-Michel Jarre est leur dernier musicien connu. Pour ceux qui n’ont pas suivi son étonnante odyssée au pays du lotus bleu, Jean-Michel Jarre prépare une carte postale musicale, un double album, un livre et un film.
:: Sensible ::
De la cave de sa maison de Bougival, dans son studio d’enregistrement, l’archange du synthétiseur mixe jour et nuit. Dans son shaker, électronique, il module le dosage exact des meilleurs moments de ses concerts de Pékin et de Shangai. Il y coule les sons des pousse-pousse bien huilés, les claquements de baguettes, des rires de petites filles à nattes d’ébène, pour nous offrir un cocktail explosif couleur rose, jaune et vert pastel comme le ciel, la terre et les maisons de là-bas. Il se nommera « La Chine selon Jean-Michel Jarre » et il risquera de faire tourner nos têtes. Alors qu’Elton John, les Rolling Stones, les Pink Floyd trépignaient de desir de donner des concerts au pays de Mao se sont cassé dix fois les dents sur une muraille de refus, Jean-Michel Jarre s’est armé d’une patience orientale pour dérocher sa lune. Durant trois ans, au cours de trois voyages. Les Chants magnétiques, Equinoxe, Oxygène, un petit synthétiseur sous le bras, il a donné des conférences et des mini-concerts dans les universités et au conservatoire de musique de Shangaï et, miracle, il a fini par magnétiser les autorités. Elles lui ont dit oui. Alors, les publicitaires chinois ont conçu une campagne : les murs de Pékin et de Shangaï, quelques semaines avant le grand événement, se sont couverts d’affiches. On y voit Jarre, le romantique, au clavier électronique, inspiré, la Tour Eiffel flirter avec la Grande Pagode. Puis, Jean-Michel Jarre a préparé ses concerts : « Je ne voulais pas donner des représentations banales, jouer mes morceaux et au revoir. J’ai composé de nouveaux morceaux et j’ai répété avec un orchestre symphonique de trente-quatre musiciens chinois. » A sa symphonie synthétique se mêlent violons à deux cordes, luths et flûtes chinoises. Un point sensible de plus a été touché et le Tibétain Panchen Lama Erdeni, vice-président de l’Assemblée nationale populaire, choisi par Deng Xiao Plng pour le représenter, il en pleure de jole. Il n’était jamais apparu en public depuis qulnze ans… Une grande partie des spectateurs, est venue à bicyclette et a payé sa place l’équivalent d’une semaine de salaire. L'assistance, débordée d’enthouslasme, tape des mains, danse, saute, en réclame encore. Et Jarre, qui va jouer avec un petit synthétiseur dans la foule, est énergiquement reconduit sur scène. Simultanément, à la radio, cinq-cents millions d’auditeurs, cent trente millions de téléspectateurs, voient l’immense spectacle aux lasers. C’est la rencontre de deux mondes, la séduction, l’enthousiasme, le délire. Jarre est devenu une idole en Chine. Si Jean-Michel Jarre est «sonné», c’est parce qu’il a vécu là-bas une drôle de relation avec le temps. J’al vu un malade transporté par sa famllle en charrette à l’hôpital pour se faire opérer au laser, Au bout de deux jours, nous avions ôté de nos poignets nos montres. Là-bas, le temps coule doucement.
:: Une longue convalescence ::
Après dix ans de Persécution, la Chine est encore meurtrie d’une révolution culturelle qui broyait les doigts des pianistes, brûlait les pianos, bannissait tout ce qui était étranger parce que décadent. Elle se relève aujourd’hui d’une longue convalescence. Sous Mao, sept disques que tous connaissaient par coeur étaient autorisés, inspirés de la musique traditionnelle. Sous la «Bande des quatre», tout ce qui était ancien devenait féodal, étranger, bourgeois. Le conservatoire de muslque de Shanghaï qui a été fermé pendant sept ans se ranime aujourd’hui. Quatre cents professeurs et huit cents élèves y jouent Brahms, Beethoven, Chopin. Dans certaines pagodes, avec les vapeurs du saké et le fumet des rouleaux de printemps, le goût aigre-doux d’une vie tissée de pureté, de courage et de recueillement, filtre à travers les paravents, de la chaîne stéréo, le Boléro de Ravel… En fixant l’équinoxe d’or, un paysan s’en va aux champs avec sous son chapeau rond un walkman que son cousin lui a ramené de Hong-Kong. Son pas est rythmé par Les Chants magnétiques. C’est Jarre qui lui a donné la cassette.
01:14 Publié dans Interviews / Presse |
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