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06 janvier 2014

L'Express: Jarre met le feu au son (5/6/1987)

Lyon, le désert australien… Il veut tout faire flamber. Antenne 2 lui donne «Carte blanche»

Des 6 h 45, le 11 juin, il prendra l’antenne. Et ne la lâchera plus de la journée. Pour baptiser sa série « Carte blanche à… », A 2 recevra, ce jour-là, Jean-Michel Jarre. Commentaires de l’actualité, diffusion de son show de Lyon, aller et retour à Londres : il n’y en aura que pour lui, le roi de. la musique synthético-plastique. Un phénomène qui se décline comme une série de records: 12 millions de disques vendus ; des space-opéras qui embrasent des villes entières ; la première tournée (triomphale) en Chine populaire.

Jarre, l’homme des superlatifs. L'artiste se présente : «Je me suis couché à 8 heures du matin, j’ai dû remixer mon album.» Vieille rengaine. Pourtant, son visage lisse n’accuse aucune lassitude. Il a 38 ans, en parait dix de moins. Il est habillé façon chic puces : veste longue aux manches retroussées, chemise blanche immaculée. Un Bernard-Henri Levy croisé de Bernard Giraudeau. Affable, prolixe, un fond de raideur. Bien sûr, on pense à un autre Jarre, Maurice (+), son papa : l’auteur des musiques de «Docteur Jivago», de «Lawrence d'Arabie». Sans émotion apparente, il remet les choses en place: « Mon père est parti pour Hollywood quand j’avais 5 ans. Depuis, on se téléphone une fois par an. Ca dure trois heures. Et puis, on repart chacun de son côté. » Elevé à Lyon par sa mère, une ancienne résistante*, il aura une enfance classique. Et c’est, paradoxalement, au très moderne Groupe de recherche musicale (G.r.m.) de Pierre Schaeffer* qu’il commencera sa carrière. Avenir tout tracé : « La recherche. Les concerts où l’on explique, avant et après, ce que l’on a fait. » Jean-Michel Jarre enchaîne. Il écrit des chansons. Un vrai talent de parolier. Ses clients ? Patrick Juvet et Christophe. C’est avec « Senorita », un hit de ce dernier, qu’il annonce la couleur à venir : « Tous les grands airs d’opéra/Ont des relents de rumba. » En 1976, il enregistre, seul, dans une salle de bains aménagée en studio, une mélodie pour synthétiseur. Personne n’en veut. Six mois plus tard, Oxygène trône dans les charts… Suivent Equinoxe, Les Chants magnétiques. Rebelote avec le succès. Jarre n’est pas satisfait : «La pub m’a tout pillé. Ce que je croyais expérimental était en fait hypercommercial.»
Lassé des concerts traditionnels, il songe à les transformer en d’immenses shows son et lumière. Le premier, en 1979, rameute, place de la Concorde, 1 million de spectateurs. On y dénombre sept accouchements, on y ramasse 350 chaussures et le préfet de police de Paris doit emprunter les égouts pour parvenir à la scène ! L'an dernier, c’est l’anniversaire de Houston. Jarre propose un spectacle total. Coût : 2 millions de dollars, qu’il prend en charge. Un quitte ou double risqué. Challenger: vient d’exploser. Les puits de pétrole ferment. En un concert, il rend confiance au Texas. Le lendemain, les propositions affluent. Londres, New York, Tokyo veulent leur « spectacle Jarre ». Et Lyon, sa ville natale, lui commande une musique pour la bénédiction papale de Fourviere. De la Nasa à Jean-Paul II, un grand écart revendiqué : « J’aime le baroque actuel. Ce monde où tout se mêle. Il y a vingt ans, on croyait au gigantisme et au modernisme. Résultat : c’est Apple qui a réussi, pas I.b.m. A Hong Kong, au bas de I’immeuble le plus moderne de la planète, on lance encore les bâtonnets rituels en l’air afin de déterminer sur quel cheval on misera aux courses. Ma musique est le reflet de cette situation. » De Londres, il annoncera, le 11 juin, son projet fétiche : un immense concert, au milieu du désert australien, avec les aborigènes. Il insiste : « Ce sera la rencontre de la civilisation la plus ancienne du globe avec la technologie la plus high tech. » [Note du blogueur: Ce concert n'aura jamais lieu] Jean-Michel Jarre n’est déjà plus parmi nous. Il habite le troisième millénaire.

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