09 août 2013
3 questions sur… Ses premiers synthés (1990)
1) Quel était ton premier synthé et d'une manière générale comment choisis-tu ton équipement dans la foule de matériels existants?
Jean Michel Jarre : "J'ai débuté avec le VCS-3 par accident et je l'ai exploré assez méthodiquement. Quand il est apparu en 1967/68, c'était formidable de soudain pouvoir faire des sons électroniques avec une petite machine alors que jusque-là, il fallait une grande pièce. Mon deuxième synthé a été l'ARP 2600 qui coïncida avec ma rencontre avec Michel Geiss qui m'en a fait la démonstration. Aujourd'hui, je suis sélectif par rapport à mes besoins. Vouloir tout utiliser est mauvais mais se limiter est dommage. Il faut observer ce qui se passe, par exemple, à travers la presse spécialisée. Mais il y a un retard en France, le problème est qu'ici, les ingénieurs du son, par exemple, vont se mettre au courant de l'équipement qui sort à travers des articles, tandis qu'aux Etats-Unis, ce sont eux qui les écrivent… dans les nouveaux instruments, le Wave en rack de chez PPG a l'air de correspondre à ce que je veux. Ce sera peut-être pon investissement de l'année car c'est le premier synthé à avoir le son numérique tout en fonctionnant selon une philosophie de traitement analogique et sur lequel on peut intervenir par des systèmes exclusifs MIDI d'une manière pas trop difficile. De plus, il n'a que huit voies ce qui fait deux fois moins de chances de faire trop de bruit…"
2) Avoir tous ces synthés constitue-t-il un handicap par rapport au problème de choix qui se pose?
J-M J : "J'ai un état d'esprit de collectionneur parce que j'ai une attitude affective avec les instruments, une des clefs de la musique étant basée sur les relations émotionnelles. Je revendique haut et fort le génie qu'il y a dans cette lutherie électronique qui fait que par exemple un Mellotron, ça se garde, comme tous ces instruments qui ont un côté Concours Lépine fableux. En revanche, je garde très peu de choses derrière ma console, une MPC 60 que je connais par cœur, le S 1000 (deux instruments vraiment réussis, pour musiciens), plus un instrument type Synthex ou MemoryMoog et pour les sons analogiques, un vieil ARP ou un vieil Oscar, le plus beau synthé monophonique qui ait jamais été construit. Dans la librairie du Fairlight II que j'ai depuis dix ans, j'ai une quantité de sins dans lesquels je peux piocher… Ce que j'aile dans le Fairlight, ce sont ses défauts et d'une manière générale, c'est souvent le côté bancal d'un instrument qui m'attire, c'est pourquoi le DX-7 ne me fait pas particulièrement fantasmer. De plus, c'est un ersatz de synthétiseur puisqu'on peut difficilement l'utiliser comme tel, la définition étant pour moi "pouvoir travailler un son en temps réel". Le DX-7 tient davantage de l'orgue à presets. Nous n'avons plus du tout une attitude progressiste par rapport à la manière d'envisager la musique car ce sont des gens qui ne sont pas du tout du monde de la musique qui conçoivent les instruments, ce qui était impensable auparavant. Je crois beaucoup aux Européens, en particlier aux italiens (Elka, Bontempi). Lors de la dernière réunion IRIS, j'ai cité une phrase de Claudel : "La musique est l'âme de la géométrie." Si les japonais se sont bien occupés de la géométrie, c'est à nous, Européens, de lui donner une âme. Nous avons un grand rôle à jouer pour essayer de trouver des instruments qui soient adaptés à notre sensibilité."
3) Quel serait ton synthé idéal?
J-M J : "La nouvelle lutherie doit privilégier l'importance de la main par rapport à celle du raisonnement. L'AKS ou le VCS-3 sont des instruments que j'adore encore maintenant car ils ont la familiarité d'un vieux vêtement et donnent ce sentiment de vivre un moment unique avec le son avec lequel on travaille, ce qui me paraît nécessaire à la composition. Évidemment, le clavier du VCS-3 fonctionne en tiers de volt par octave, ce qui fait qu'il n'est pas synchronisable. On ne peut pas mémoriser les sons, on est donc obligé de passer son temps à tout noter, à réfléchir, ce qui n'est pas si mal, car s'habituer à avoir tout instantanément n'est pas forcément la meilleure chose qui soit… Quand même, disons qu'un VCS-3 mémorisable, polyphonique, ayant le MIDI, des formes d'ondes complexes (pour avoir des sons digitaux), voilà l'instrument que je voudrais! Il ferait un malheur par rapport au concept du synthé car, aujourd'hui, on fait des choses beaucoup plus complexes avec un modulaire Moog qu'avec un instrument FM à partir du miment où on part de zéro. La technologie devrait permettre de faire des choses de plus en plus compliquées de plus en plus facilement. Les machines qui m'ont le plus marqué sont l'AKS, l'ARP 2600, l'Eminent, l'OBX, le Prophet, le Synthex, le Fairlight II, le S 1000, plus quelques instruments bizarres comme le Seiko et l'Oscar, qui a su utliser les meilleures potentialités de l'analogique et du digital. L'idéal est d'avoir les possibilités de génération sonore des synthés numériques et une erginomiedu synthé analogique. La disparition des boutons n'a évidemment pas à une disparu des mains. Je suis pour que tout puisse se faire (avec ou sans boutons) à condition que ce ne soit pas la technologie qui dicte ses choix au musicien. Domestiquer l'interface est une chose primordiale pour les dix années à venir. Si un type veut jouer avec un tuyau d'arrosage, il faut qu'il puisse le faire, la brancher MIDI, etc. Il faut arrêter de coller des prithèses à ce pauvre clavier qui n'en peut plus, et de cesser de vouloir en faire un autre instrument. Par exemple, le toucher piano pour jouer des cordes sur un synthé est une notion qui me fait hurler."
Propos recueillis par Catherine Chantoiseau
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24 février 2013
Jarre sur le 5.1 de l'album AERO et du concert de pékin (2004)
7è FISM, (Forum du son Multicanal) vendredi 5 novembre 2004, 17h30, CNSMDP / Invité : Jean Michel Jarre
Jean Michel Jarre : Si j'ai fait la musique que j'ai faite, c'est grâce à Pierre Schaeffer, que certainement beaucoup ici connaissent bien, et qui dirigeait le Groupe de Recherches Musicales (GRM). Quand j'ai commencé à étudier la musique électro-acoustique, dont la diffusion multicanal constitue un aspect de base, le disque, stéréophonique à l'époque, m'a toujours semblé limité. Je me suis coincé, limité à deux dimensions, donc à une image plate, devant moi, alors que la musique peut en exploiter trois. J'ai donc toujours rêvé de pouvoir travailler en 3D. Même si la quadriphonie a existé à un certain moment, elle est malheureusement restée au stade expérimental, sans rencontrer de succès auprès du grand public. C'est avec le home cinéma, surtout après l'apparition du DVD, que le grand public a eu accès à des installations 5.1 pour, aujourd'hui, quelques centaines d'euros (même 100 !), ce qui permet au plus grand nombre de s'équiper.
C'est pour cette raison que mon dernier album, Aero, a été prévu en 5.1 dès le départ, en donnant la priorité à cette version plutôt qu'à la version stéréo sur le CD. La difficulté a d'ailleurs consisté à faire comprendre à ma maison de disques que le DVD n'est pas seulement aujourd'hui un support pour l'image, mais aussi pour la musique, dès l'instant où on se met à vouloir travailler en multicanal. Donc, j'ai été confronté au problème de concevoir, en studio, de la musique en 5.1, et, une fois lancé dans l'enregistrement de l'album, j'ai eu envie de revisiter en multicanal quelques-uns de mes anciens morceaux, que j'avais entendus à l'époque en trois dimensions, mais qui n'existaient qu'en version stéréo. Quand j'ai commencé à travailler sur mon Pro Tools, les plug-ins au format 5.1 n'existaient pratiquement pas, et j'ai été confronté au problème que nous connaissons tous, que le monde de la musique est habitué, formaté, à la stéréo, que ce soit en enregistrement ou en mixage, et ceux qui ont une habitude du 5.1 sont rares. Cette expérience est beaucoup plus répandue dans le monde du cinéma, ils ont développé des critères de spatialisation, mais toujours au service de l'image : le traitement des canaux arrière, par exemple, est tout à fait différent de ce dont un musicien a besoin. Pour lui, l'avant et l'arrière possèdent une importance égale, il est susceptible d'y placer n'importe quel type de son, ce qui n'est pas le cas du cinéma, où la musique est essentiellement à l'avant, de chaque côté des dialogues de l'enceinte centrale, avec éventuellement un peu de réverbération dans les canaux arrière. J'ai pour ma part considéré le mixage un peu comme une direction d'orchestre, qui met en lumière tel ou tel aspect des arrangements. Je pensais que le mixage 5.1 serait plus facile, mais j'ai rencontré des difficultés au fur et à mesure.
En fait, le 5.1 est plus compliqué que la stéréo, et déjà à l'enregistrement. En stéréo, on peut se permettre d'être plus flou, les sons se rentrent les uns dans les autres, et leur interaction brouille le jeu, ce qui arrange la sauce du studio. En 5.1, tous les instruments se retrouvent isolés dans l'espace, et toute faiblesse dans le jeu apparaît immédiatement. De la même manière que la stéréo a changé la manière d'enregistrer en studio, je suis convaincu que le 5.1 va faire naître une nouvelle forme de musiciens. C'est plutôt la technologie qui génère les styles musicaux plutôt que l'inverse : ce n'est pas Vivaldi qui a inventé le violon, c'est parce que le violon s'est amélioré que Vivaldi a pu composer ses œuvres. Même chose pour le rock avec la guitare électrique, même chose pour les 78 tours, qui ont poussé les pionniers de l'enregistrement à des chansons ou des morceaux de 3 minutes, et aujourd'hui, la technologie du 5.1 reconstitue l'émotion musicale de façon plus organique, plus sensuelle, qu'on écoute un prélude de Chopin au piano ou de la musique électronique.
On sait aussi que dans l'histoire de la transduction sonore, tout a évolué sauf le haut-parleur. Même s'il a évolué, il s'appuie toujours sur le même principe, un morceau de carton dans un coffret pour diffuser de l'énergie sonore à certaines fréquences. La prochaine révolution sera de passer à une diffusion multisource, qui permettra de créer l'impression de profondeur qu'on ne peut pas restituer en stéréo.
Autre aspect : la restitution du son d'un concert dans une salle pose aussi un certain nombre de problèmes. J'ai eu l'occasion récemment de donner un concert à Pékin dans le cadre de l'année de la Chine, et pour la première fois, nous avons tenté, avec Christian Heil de la société V-DOSC, d'effectuer une spatialisation du son en extérieur, et je crois qu'on est arrivés à un résultat tout à fait satisfaisant. Nous sommes sortis de la philosophie de la sonorisation habituelle, qui consiste à empiler des enceintes de chaque côté de la scène. Nous avons découpé dans la zone réservée au public des carrés de 30 mètres sur 30 mètres, soit environ 3000 personnes, et nous avons défini à chaque fois un système de sonorisation 5.1. L'essai a été tout à fait probant, avec une approche tout à fait différente de celle en vigueur dans les salles de cinéma. À l'occasion de la sortie de l'album Aero, en effet, j'ai eu l'occasion de faire la promotion de l'album un peu partout en Europe, et dans certains pays, on a fait écouter cette musique dans des salles de cinéma, et ça pose évidemment un certain nombre de problèmes, dans la mesure où les enceintes d'un cinéma se prêtent mal à une écoute 5.1 musicale… Il faut compter sur ce problème quand on travaille en 5.1 : la partie arrière, surtout, réagit très mal à des spatialisations ou de trajectoire de sons.
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19 février 2013
Keyboards été 1993 - Spécial Chronologie
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08 février 2013
JMJ dans KR Home-Studio d'août 2012
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14 novembre 2012
Interview sur les instruments au studio Bougival par Télérama
Entretien vidéo avec Jean Michel Jarre qui nous fait découvrir ses synthétiseurs dans son studio à Bougival en région parisenne. Il est le parrain hors du commun des dixièmes Nuits Sonores, à Lyon, du 16 au 20 mai.
Jean Michel Jarre nous a reçu [les journalistes de Télérama] dans son studio, entouré de ses synthétiseurs historiques, qu'il nous présente, comme le VCS-3, l'ARP 2600 ou encore le Theremin, ainsi que le petit dernier, la mini harpe laser. Il nous parle aussi des Stones, de Pink Floyd, de Moby ou encore de U2.
Interview et réalisation : Odile de Plas et Jean-Baptiste Roch
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