19 février 2014
Jean Michel Jarre: le chic sans le choc (1/11/1981)
Fossé culturel : cette expression, déjà tellement galvaudée, et pourtant la seule susceptible d’expliquer la réaction – ou plutôt « absence de réaction » du public chinois aux deux concerts que vient de donner à Pékin le compositeur français Jean-Michel Jarre. La Presse chinoise a fait des deux concerts un compte rendu qui peut se résumer en deux mots : étrange mais intéressant. Les dix-huit mille spectateurs qui étaient venus assister au stade de la capitale au premier concert de musique électronique jamais donnée en Chine, ont été surpris et certains même déçus par les sonorités des synthétiseurs. A l’entracte, les jeunes Chinois, qui composaient la majorité du public, ont déclaré ne pas comprendre la signification de cette musique, à des années-lumière de celle dont ils ont l’habitude en Chine depuis 1949. Mercredi soir, la moitié environ des spectateurs a quitté le stade avant la fin de la deuxième partie du concert, qui comprenait pourtant un morceau célèbre du répertoire chinois, exécuté par un ensemble de trente-quatre musiciens chinois, sous la direction d’un des grands chefs d’orchestre de Chine, le professeur Huang Feili. Impassible durant la majeure partie du spectacle, le public ne s’est manifesté qu’à de rares occasions, principalement pendant les jeux de lasers, qui ont suscité quelques applaudissements timides. Jean-Michel Jarre a déclaré pour sa part, qu’il s’attendait à une absence totale de réaction du public chinois et qu’il avait été plutôt agréablement surpris par l’accueil réservé à son concert. Le compositeur français n’a pas ménagé ses efforts pour faire de cette tournée une première mondiale, la mise en scène, très sophistiquée, a été confiée au Britannique Mark Fischer, qui a déjà signé celle des concerts The Wall donnée par le groupe Pink Floyd. Sur le plan éIectronique, Jarre a fait appel à trois autres musiciens synthétiseurs et a utilisé pour la première fois un Instrument inédlt, la harpe laser dont les cordes sont représentées par des rayons lasers, qui produisent un son à chaque contact de la main.
Quatre millions et demi de francs ont été investis dans cette tournée, qui devraient être rapidement amortis dès la sortie du film et de I’album consacrés aux concerts de Pékin et de Shanghai. Le but de cette tournée était avant tout de prouver qu’un musicien « pop » peut se produire en Chine, et Jean-Michel Jarre y est parvenu après de longs mois de négociations. La réaction du public, toujours Importante pour I’artiste, bien sûr, passe cependant, cette fois-ci, au second plan. II est à prévoir que les Rolling Stones, les Pink Lloyd ou Elton John, qui ont depuis longtemps manifesté le désir de se produire en Chine, vont tenter à leur tour de s’infiltrer dans la brèche ouverte par Jarre, mais apparemment sans grand espoir pour le moment. Leur musique, jugée « décadente » par les idéologues de Pékin, parviendra-t-elle à toucher la jeunesse chinoise? II est difficile de répondre à cette question, mais on peut toutefois penser que de tels concerts, s’ils ont lieu, produiront Indéniablement sur le public chinois un choc, positif ou négatif. Mercredi et jeudi, aucun choc ne s’est produit. Pour les Pékinois. Jarre et sa musique éIectronique évoluent vraiment sur une autre planète.
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18 février 2014
"Je fais ce que cheveu" (Libération, 24/11/2004)
La musique est un cri qui vient de l’intérieur (du dernier VSD). Au feuilleton capillaro-médiatique Adjani-Jarre, il ne manquait qu’une BO digne de ce nom. La voici sous le titre d’Aerology, encartée à la page 19 de son désormais journal officiel. Déjà une déconvenue nous attend. Le VSD qu’on vient d’acheter 2,90 euros est vide. Le single s’appelle tellement bien Aerology qu’il s’est envolé du magazine. On en réclame un autre. Le CD est bien scotché sur la jambe droite de Jean-Mi «shooté» en jeans brut allongé dans un pieu. Il se livre à «coeur ouvert». Son single livre, lui, des influences très mêlées : une ouverture genre Prodigy, une sirène de bateau, des sons d’appareils photo, des dialogues en chinois, italien ou japonais, une voix d’aéroport limite Brian Eno, une balle de ping-pong Antipop Consortium, des gouttes d’eau comme dans le Monde du silence, le tout emmené par un rythme désuet très Eddy Mitchell. Le gloubi habituel.
Mais là n’est pas le problème. Ce geyser sonique surgi d’une postmodernité nomade, et à cet égard presque qualifiable de Messe pour le temps pressant, produit cette sensation gênante (comme seul un invité incrusté ou un oncle relou savent l’être) qui accompagne systématiquement les apparitions de JMJ. Car, au fond, il est un peu notre barde synthétique worldwide. On veut absolument le ligoter à chacune de ses apparitions. Tout en le laissant complaisamment découvrir chaque jour une nouvelle fonction de son logiciel Virtual DJ, vendu gratuitement avec son dernier TO7. Ça correspond assez à ce qu’il dit dans VSD. «Quand j’avais dix-sept ans, ma mère me disait : « Mon pauvre, tu aurais mieux fait de choisir le violon, tu vas devoir te balader avec tout ça.» Sous-entendu son énorme matos avec tour Eiffel et harpes à rayons laser. «Maintenant, dit-il, je peux lui dire : «Regarde je me balade avec un truc plus petit qu’un violon (un portable, ndlr).» Réflexion faite, nous sommes tous comme la mère de Jean-Mi. Pas clairs. On suit d’une oreille distraite les dernières aventures immatures de Jean-Mi, ses expériences de Home Studio (line), ses flirts, le voir sculpter les sons (et ses cheveux aussi). Tout en se disant hum, Jean-Mi, à ton âge, t’as pas bientôt fini ?
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17 février 2014
Jean-Michel Jarre. L’album de sa vie. (Paris-Match, 22/03/2007)

Ce n’est pas le genre de disque très attendu. Et c’est bien là son charme. « Téo & Téa », premier véritable nouvel album de Jean-Michel Jarre depuis «Métamorphoses» paru en 2000, surprend. Comme si, agacé d’être honteusement copié depuis l’arrivée de la « french touch », Jarre avait essayé de montrer qui est le patron. Il y a ce son d’abord, puissant, lourd et efficace, ces morceaux aussi, treize au total, mais tous assez courts, très énergiques le plus souvent, mélancoliques parfois. Aucun texte, seulement des émotions que le compositeur met en musique. Réussi ? Oui, franchement.
«Ces cinq dernières années ont été assez bouleversantes, raconte l’intéressé. Ma vie professionnelle et ma vie personnelle ont connu de nombreux soubresauts.» Tout le monde se souvient de sa brève romance avec Isabelle Adjani, de leur séparation médiatique par presse interposée. Puis Jean-Michel a épousé la comédienne Anne Parillaud, et n’a pas hésité à afficher son nouveau bonheur. Histoire de mettre un terme aux rumeurs. «Je me suis retrouvé, je suis resté debout, dit-il. Ma vie a souvent traversé des montagnes russes. Je me sens parfois dépressif, c’est l’absurdité des hauts et des bas. Ça vous tombe sur la gueule un jour ou l’autre… Cela vous plonge dans un état de vertige, un état d’égarement.» Puis vous sortez la tête de l’eau. Le jour de son mariage avec Anne, Maurice, son père, est présent. Jean-Michel, peu enclin aux grandes déclarations d’amour, peut, enfin, tourner la page d’une interminable brouille. «Je sais ce que je dois à Anne dans cette réconciliation. Aujourd’hui, j’ai des relations avec mon père, ce qui n’a pas été le cas pendant des années. La boucle est bouclée.»
Apaisé, le cœur moins lourd, l’esprit plus léger, Jarre s’empare de ses claviers et se lance dans la composition. Une centaine de titres arrivent très vite. Le projet « Téo & Téa » se dessine. «Je voulais évoquer le retour à l’autre, la recherche de son double. A tous les âges, on passe notre temps à vouloir partager nos émotions avec quelqu’un, peu importe le sexe ! » « Téo & Téa » va droit au but. On sent le coup de foudre, l’envie d’être éternellement jeune, le désir de vivre à fond, comme des gamins. Il y a un peu d’Anne dans Téa (on l’entend très distinctement pousser des cris sur « Beautiful Agony ») et beaucoup de Jean-Michel dans Téo. «La société dans laquelle on vit imprègne forcèment nos créations. J’ai le sentiment que, dans les années 80 et 90, nous étions dans une époque cynique. Aujourd’hui, nous sommes prêts à tout dans notre quête absolue de l’autre. Téo et Téa sont dans l’insouciance de l’amour, dans l’envie d’avancer ensemble. Ils ne sont pas nécessairement jeunes, ils ont chacun évolué dans des mondes parallèles avant de se trouver. Et l’étincelle de leur rencontre leur donne une nouvelle énergie.»
« Téo & Téa » fait effectivement preuve d’une inspiration retrouvée… «Même si j’aime beaucoup «Aero» (son album paru en 2004), j’étais à l’époque trop occupé par les histoires de « son 5.1″ et de « son surround » pour arriver à composer moi-même. J’étais enfermé dans la technologie, enfermé dans la quête de sons inouïs. J’étais frustré par la mauvaise qualité du C.d., la crise du disque vient de là également. Le C.d., pour moi, c’est le 78-tours du numérique !» avoue-t-il aujourd’hui. Depuis, Air, Daft Punk, les Chemical Brothers, Bob Sinclar, Emilie Simon et bien d’autres ont imposé leur talent sur la scène électronique mondiale. «Je n’ai pas de revendications musicales, car j’ai toujours eu du recul. Je fais de la musique électronique depuis toujours. J’ai vu des vagues passer et emporter plein de gens avec elles. Qui parle encore de la « french touch » ? Depuis 1976, j’aurais pu me contenter d’être le truc branché du moment, mais j’ai toujours su m’en préserver. En ne cherchant pas à comprendre, car un artiste n’a pas à se poser cette question.»
En concert le 15 avril au Queen à Paris.
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15 février 2014
Concert des Docklands 1988 intégral sur Radio One
Audio re-travaillé par un fan. Concert de Londres intégral. Avec les commentaires de la radio anglaise Radio One!
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"Je m’inspire des modes, mais je n’y entre pas" (24 heures, 13/04/2007)
Une tête d’ado ébouriffé et un savoir-vivre de gentleman, Jean Michel Jarre est paradoxal comme sa musique, à la fois hyperpopulaire et hyper- sophistiquée. Interview à l’occasion de la sortie de Téo et Téa, dernier album très réussi. Blouson de cuir blanc et brun et jeans gris, Jean Michel Jarre a l’élégance branchée. A cinquante-neuf ans, son visage est celui d’un enfant coiffé d’une tignasse indisciplinée. Il soupire, prêt à subir le énième entretien de sa promo. Mais sa réserve fond à l’écoute de son tube planétaire Oxygène, enregistré sur un petit dictaphone de journaliste pas techno du tout. Sourire aux lèvres, le pionnier de l’électro s’ouvre à la vie.
Que ressentez-vous encore à l’écoute d’Oxygène ?
– C’est comme si je l’avais composée hier, car j’ai un rapport au temps particulier. Cette musique m’a accompagné dans le monde entier. Parfois, elle m’a même précédé. Comme en Nouvelle-Zélande où je n’étais jamais allé et où j’ai découvert que c’était le générique du journal TV. C’est donc une musique qui me fait voyager dans le temps et dans l’espace.
Téo et Téa est un excellent nouvel album, plus tourné vers l’humain…
– Le thème de l’album est lié à la rencontre, aux sensations et aux sentiments de l’humain. Je l’ai fait avec une certaine jubilation. J’ai travaillé avec des instruments non virtuels comme des synthétiseurs. Cela m’a permis d’avoir un rapport plus organique et plus sensuel avec le son.
Est-ce aussi une rencontre avec vous-même?
– Oui. Je me suis beaucoup rapproché de mon père ces dernières années. Son absence était une béance qui m’a marqué. Le revoir m’a réidentifié et aidé à mieux me repérer. J’ai finalement pu dire des choses que je ne pouvais pas exprimer avant, par incapacité psychologique.
Concernant la musique, voyez-vous une filiation avec celle de votre père?
– Non. J’ai grandi loin de son sillage. Mes musiques de films sont plus influencées par Ennio Morricone ou Nino Rota. Mais Maurice Jarre a fondamentalement changé le rapport de la musique et de l’image. Il a été l’un des premiers à marquer au fer rouge l’ambiance d’un film avec un thème musical. On écoute trois notes du Dr Jivago et l’on revoit les images
Vous possédez aussi cette cohérence musicale?
– Je ne suis pas tourné vers le passé, mais lorsque je compose, c’est comme si j’ouvrais une porte et que je rentrais chez moi. Je n’ai jamais été à la mode. Je m’inspire des modes, mais je n’y entre pas. Quand il y a eu l’explosion de l’électro, cela ne m’a pas empêché de continuer à dire les choses à ma manière. Téo et Téa est un album fidèle à mon univers et en phase avec ce que j’ai envie d’écouter en 2007.
D’où vous vient ce besoin de concerts à l’extérieur?
– Je vais vous dire une chose à laquelle je viens de penser: c’est ma claustrophobie. Je me demande si ce n’est pas une des raisons pour lesquelles j’ai voulu faire des concerts à l’extérieur. Ma mère a été déportée en Allemagne. Elle a subi un bombardement dans un wagon. Autour d’elle, beaucoup de gens sont morts d’étouffement. Elle a survécu, mais elle a été claustrophobe longtemps et m’a transmis ce traumatisme. Une autre raison, c’est qu’il fallait mettre en scène les instruments électroniques et inventer une grammaire scénographique qui permet de «voir» la musique.
Quels territoires vous restent-ils à explorer?
– Plus vous creusez votre chemin, plus les territoires s’ouvrent à vous et dessinent des chemins innombrables. C’est une histoire sans fin. Il y a donc de plus en plus de choses que j’ai envie de faire, notamment des musiques de film. J’ai peu abordé ce genre car je crois que, psychanalytiquement, c’était le territoire du père.
Quels sont les cinéastes avec lesquels vous aimeriez travailler?
– Plein. Je viens de terminer la musique d’un film de Volker Schlöndorff, le réalisateur du Tambour. Il y a aussi David Lynch dont le film Sailor et Lula m’a suivi pendant la gestation de ce dernier album. Et puis, il y a des cinéastes comme Steven Soderbergh, pas tellement pour Ocean’s eleven, mais pour les films qu’il a pu faire avant, très oniriques. Le réalisme et l’expressionnisme ne m’intéressent pas, quel que soit le domaine. J’ai besoin qu’on m’emmène dans des endroits fantastiques.
Est-ce pour cela que vos compagnes sont toutes comédiennes?
– Oui. J’ai besoin d’être emmené au quotidien dans un rêve. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas le sens des réalités. J’aborde simplement la réalité avec un angle et un point de vue. J’ai vu un jour, en Indonésie, un enfant nu dans une rivière qui riait. Il n’avait rien. Ni parents, ni vêtements, ni nourriture; son espérance de vie était moindre et il éclatait de rire en voyant le soleil se lever. Pour moi, ça a été une expérience de vie incroyable.
Finalement, votre choix de l’électro était-il courageux?
– Non, car j’étais totalement fasciné par Pierre Schaeffer. Sa manière de faire de la musique, un peu comme on fait la cuisine, en triturant des notes et en mélangeant les fréquences était une approche très concrète et sensuelle du son qui m’a séduite.
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