18 février 2014
"Je fais ce que cheveu" (Libération, 24/11/2004)
La musique est un cri qui vient de l’intérieur (du dernier VSD). Au feuilleton capillaro-médiatique Adjani-Jarre, il ne manquait qu’une BO digne de ce nom. La voici sous le titre d’Aerology, encartée à la page 19 de son désormais journal officiel. Déjà une déconvenue nous attend. Le VSD qu’on vient d’acheter 2,90 euros est vide. Le single s’appelle tellement bien Aerology qu’il s’est envolé du magazine. On en réclame un autre. Le CD est bien scotché sur la jambe droite de Jean-Mi «shooté» en jeans brut allongé dans un pieu. Il se livre à «coeur ouvert». Son single livre, lui, des influences très mêlées : une ouverture genre Prodigy, une sirène de bateau, des sons d’appareils photo, des dialogues en chinois, italien ou japonais, une voix d’aéroport limite Brian Eno, une balle de ping-pong Antipop Consortium, des gouttes d’eau comme dans le Monde du silence, le tout emmené par un rythme désuet très Eddy Mitchell. Le gloubi habituel.
Mais là n’est pas le problème. Ce geyser sonique surgi d’une postmodernité nomade, et à cet égard presque qualifiable de Messe pour le temps pressant, produit cette sensation gênante (comme seul un invité incrusté ou un oncle relou savent l’être) qui accompagne systématiquement les apparitions de JMJ. Car, au fond, il est un peu notre barde synthétique worldwide. On veut absolument le ligoter à chacune de ses apparitions. Tout en le laissant complaisamment découvrir chaque jour une nouvelle fonction de son logiciel Virtual DJ, vendu gratuitement avec son dernier TO7. Ça correspond assez à ce qu’il dit dans VSD. «Quand j’avais dix-sept ans, ma mère me disait : « Mon pauvre, tu aurais mieux fait de choisir le violon, tu vas devoir te balader avec tout ça.» Sous-entendu son énorme matos avec tour Eiffel et harpes à rayons laser. «Maintenant, dit-il, je peux lui dire : «Regarde je me balade avec un truc plus petit qu’un violon (un portable, ndlr).» Réflexion faite, nous sommes tous comme la mère de Jean-Mi. Pas clairs. On suit d’une oreille distraite les dernières aventures immatures de Jean-Mi, ses expériences de Home Studio (line), ses flirts, le voir sculpter les sons (et ses cheveux aussi). Tout en se disant hum, Jean-Mi, à ton âge, t’as pas bientôt fini ?
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10 janvier 2014
Concert suivi par plus de 50 000 Egyptiens ravis (Libération, 3/1/2000)
Un brouillard aussi dense qu’inattendu, un site difficile d’accès et mal desservi, des services de sécurité omniprésents: tout était réuni pour qu’au pied des pyramides, le mégashow du passage à l’an 2000 concocté par Jean-Michel Jarre tourne au fiasco. Au final, des dizaines de milliers de jeunes Egyptiens sont pourtant repartis enthousiastes du plateau de Guizeh, souvent bien après le lever du soleil qui marquait le début d’une nouvelle journée de jeûne du ramadan.
Dès la fin de l’après-midi, Jarre avait senti que son affaire était mal engagée. «Quand, depuis la fenêtre de sa suite, il a vu la brume monter vers les pyramides, Jean-Michel a commencé à angoisser", raconte Jean-Claude Camus, le producteur des Douze rêves du Soleil. Nous sommes tous un peu tristes. Nous avions un énorme potentiel d’images qui, projetées sur les pyramides, donnaient un effet extraordinaire. Avec ce brouillard à couper au couteau, une partie de l’oeuvre a été escamotée.» En fait, quand le musicien monte sur scène vers 22 h 30, le brouillard a avalé la totalité de la plus grande pyramide, celle de Khéops. Khéphren est à peine visible. Seule Mykérinos, la plus petite, est assez proche pour permettre aux lasers de percer la purée de pois. Du coup, tout repose sur l’animation pyrotechnique.
Oum apparaît. Dès la salve d’ouverture, la clameur montre que la foule est là pour s’amuser. Pour ceux qui avaient oublié que la moitié de la population égyptienne a moins de 20 ans, le choc est rude. La jeunesse a pris d’assaut l’immense esplanade recouverte d’un parquet de bois pour empêcher que les piétinements ne dégénèrent en tempête de sable. Derrière, sur une hauteur, les touristes, les VIP, le président Moubarak et ses ministres dînent à l’intérieur de gigantesques tentes. En face, Mykérinos passe par toutes les couleurs. Mais il faut avoir un poste de télévision pour vraiment distinguer l’apparition du dieu faucon Horus sur la pyramide. Jean-Michel Jarre ayant eu la bonne idée d’«arabiser» son show électronique, le duo avec Natacha Atlas (C’est la vie) est un succès. Mais le moment le plus applaudi reste l’apparition de la star défunte Oum Kalsoum, dont le visage s’étale sur Mykérinos pendant qu’Amal Maher, une soliste de 14 ans, chante Chams al Assil (Soleil du crépuscule).
Tous ensemble. Jeans, blouson, pour les garçons, pantalon moulant, manteau de marque pour les filles, téléphone portable pour tous: la jeunesse dorée cairote est là. Mais pas seulement. On est aussi venus des quartiers populaires. Vers minuit, ils sont au moins 50 000 à célébrer la fin du millénaire. «C’est génial, on est vraiment tous ensemble», s’étonnerait presque Achraf, un jeune ingénieur. Au Caire, seul le football peut rassembler jusqu’à 100 000 personnes au stade. Pour le reste, c’est le néant ou presque. Même les stars de la geel, la variété populaire, donnent peu de concerts de toute façon, rarement devant plus de 1 000 personnes. Lamia se souvient bien d’un feu d’artifice en 1987, «mais rien à voir avec ça!»
Ça, c’est pêle-mêle les fusées qui claquent dans le ciel, les dizaines de figurants qui courent torches à la main dans le désert, les lasers… «Fantastique!» «Superbe!» Difficile de trouver un grincheux. Pourtant, certains sont arrivés sur le site vers 1 heure, trente minutes avant la fin du concert! La faute aux contrôles très stricts, et surtout au service de navettes, mis en place pour éviter un engorgement de la seule voie d’accès, et qui a été totalement débordé. Ahmed est accroché à l’extérieur du bus qui le ramène vers Le Caire. Il s’en fiche. «C’était fabuleux.»
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24 mars 2013
Remixes Oxygène lors des dixièmes Nuits Sonores
(Article de Libération Next, le 17 mai 2012) On a tous en tête cette mélodie. 1976, Oxygène révèle Jean-Michel Jarre et résonne aux oreilles du monde entier. 18 millions d’exemplaires sont vendus. Un succès planétaire pour cet ovni qui reste dans les annales de l’histoire de la musique. La preuve : trente-six ans après, Oxygène est au programme de Nuits sonores, revisité par Danger, Acid Washed et Arandel pour inaugurer cette édition anniversaire. Trois sons, trois univers très différents, la promesse de sets audacieux.
Invité d’honneur, Jean-Michel se dit très honoré et apprécie la pluralité des versions potentielles, techno ou acoustique. D’autant plus qu’il entretient avec ce disque un rapport particulier : « Je ne suis pas obsédé par Oxygène mais il se trouve que le premier succès vous colle toujours à la peau. Au delà de ça, la face A du vinyle a un côté dévertébré, comme si la musique était en suspension. Il était primordial qu’aucun son ne soit identique. C’est ce qui en fait un objet si singulier. »
Un des représentants du projet Arandel, de la génération french touch des années 90, confirme le caractère incontournable de ce morceau : « C’est une pierre angulaire dans l’histoire de la musique électronique populaire. Cela a donné un coup de projecteur incroyable à une musique réservé à un public averti. Même si nous n’avons pas été biberonné aux synthétiseurs, nous sommes très excités par le défi de rendre cette matière moderne. »
Et pourtant... Moderne était déjà la pochette d'Oxygène. Y figure notre planète dévoilant une tête de mort, à une époque où l'écologie n'était pas à la mode. Jean-Michel Jarre se félicite de faire partie de cette génération : « A cette période, il y avait peu de moyens et comme Soulages je considère que les limites, c’est la liberté. C’est une chance de visiter un territoire quasi vierge. Cette innocence transparaît bien dans Oxygène. » Has been peut-être pour certains, mais encore une bouffée d’air.
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