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06 mars 2014

Jean Michel Jarre, géomètre et nomade (Madame Figaro, 01/03/2007)

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2007,coupure presse,téo et téaPionnier de la musique électronique, manitou des mégaconcerts en plein air, sous les buildings de Houston, au pied de la tour Eiffel, dans la Cité interdite, sur les docks de Londres ou de Gdansk, Jean-Michel Jarre, 58 ans, a toujours cultivé au fil de sa carrière, cette image de musicien pressé, soucieux de son image juvénile et avide de modernité. De ses classes avec Pierre Schaeffer au sein du Groupe de recherches musicales, ce géomètre a conservé le goût de l’expérimentation des champs sonores qui va de pair avec un solide flair depuis le succès planétaire d’Oxygène (1976), vendu à douze millions d’exemplaires.

Trente et un ans après et quelque dix-sept albums plus tard, il sort un nouvel opus studio, Téo et Téa (chez Warner Music), habile mixage d’électro, de trip-hop et de dancefloor dans lequel il impose son style, lyrique et dansant, taillé pour les clubs. Composés sur des synthés nouvelle génération, comme le Virus qui a un son de guitare, le Pro Tools et autres samples rythmiques, ce sont treize morceaux qui oscillent entre énergie rythmique et mélancolie mélodique. Le tout est construit comme un scénario de film sur le thème du coup de foudre, de « la rencontre amoureuse, de la recherche de l’autre, d’un partenaire idéal dans un monde où la solitude prédomine malgré tous les outils de communication ultrasophistiqués qui nous entourent, explique l’intéressé. Et l’avantage de la musique, c’est qu’elle livre des émotions qu’il est facile de partager en inventant sa propre histoire amoureuse. Chacun est libre d’avoir sa propre interprétation, sa propre perception sensorielle, comme dans un film de David Lynch ».

:: In the Mood for Love ::
Téo et Téa décline donc l’aventure du couple (Touch to Remember, Chatterbox, Partners in Crime 1 et 2, Beautiful Agony, avec les cris d’Anne Parillaud, In the Mood for You), et renvoie forcément à la vie privée du musicien qui a largement alimenté les rubriques people après sa séparation d’avec Charlotte Rampling, sa liaison orageuse avec Isabelle Adjani et son mariage avec l’actrice Anne Parillaud. « J’ai vécu une période difficile, avoue-t-il, personnelle et artistique, dont j’ai vu le bout récemment après les retrouvailles avec mon père, Maurice. Après tant d’années de silence mutuel, on s’est enfin réconciliés. »

Plus serein, apaisé, Jean-Michel Jarre s’est remis au travail dans son studio de Bougival en concevant une cinquantaine de maquettes dont il en a conservé une vingtaine. « J’ai composé sur quatre instruments, en jouant moi-même de la batterie. Je voulais faire un album ouvert, compatible avec les plates-formes de téléchargement comme iTunes ou Dailymotion parce que le public a bougé et que la musique est devenue nomade. Le support du CD s’est banalisé, l’iPod lui succède et, avec lui, la musique dématérialisée. En même temps, il est intéressant de constater que la relation avec l’artiste en concert s’est amplifiée, comme si l’envie de communier était encore plus forte. »

Face à la concurrence de la scène électro internationale, de Daft Punk à Air en passant par Bob Sinclar et Chemical Brothers, Jean-Michel Jarre suit son chemin, un peu agacé par les nouveaux prophètes de la french touch, terme générique totalement inconnu, selon lui, hors de nos frontières. « J’ai toujours essayé d’échapper aux modes », rétorque-t-il. Pour l’heure, le clip de Téo et Téa est en playlist sur MTV et le musicien s’apprête à tourner en Europe, dans des clubs comme le Queen à Paris (le 15 avril) ou l’Apple Center à Londres.

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05 mars 2014

Jean-Michel Jarre, le retour du père des musiques électroniques (La Voix du Nord, 22/03/2007)

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2007,téo et téaJean-Michel Jarre sort ce lundi un nouveau disque, «Téo et Téa», aux sonorités dance très actuelles. Rencontre, en avant-première, avec le père des musiques électroniques en France.

Deux énormes enceintes encadrent un écran plasma et un système home cinéma dernier cri. Un ordinateur portable trône sur une table basse, mais pas l’ombre d’un de ces énormes synthétiseurs qui ornaient la pochette de son premier album Oxygène. C’est pourtant dans cet appartement, à deux pas des Champs-Elysées, que Jean-Michel Jarre, look d’éternel jeune homme savamment entretenu, a composé son dernier album. « On a la chance maintenant de pouvoir travailler avec des instruments nomades, peu encombrants. Ici, c’est un lieu assez intime où j’aime me retrouver. J’y ai composé une cinquantaine de maquettes, que j’ai ensuite enregistrées dans mon studio».

Des maquettes qui forment les chansons sans paroles du nouvel album de Jean-Michel Jarre, Téo et Téa, couple imaginaire d’un univers technoïde extrêmement physique.

:: Le partage ::
« C’est vrai qu’il y a un côté plus rythmique, plus sensuel dans ce disque. «Téo et Téa» est lié au thème de la rencontre. Aujourd’hui, il y a une quête obsessionnelle de la recherche de l’autre. Ça peut paraître paradoxal, on est dans une époque où il y a de plus en plus d’outils de communication, mais on a l’impression que cette virtualité qui nous envahit isole plus qu’elle ne réunit. Les gens sont donc en quête de partage. Je suis parti de cette idée pour faire un disque plus rythmique, plus jubilatoire avec des morceaux dancefloor. Les discothèques étant aussi des lieux de rencontres».

:: Les nostalgiques d'Oxygène et Equinoxe seront peut-être décontenancés, pas les nouvelles générations ::
«On dit souvent que la musique électronique c’est froid. Je suis persuadé du contraire. La musique classique est un procédé très cérébral, très abstrait dans le processus de composition, transformer des notes sur le papier en sons. Alors que dans la musique électronique, vous êtes votre propre luthier, vous fabriquez vos sons avec vos mains. Il y a un côté plus direct, plus sensuel. La question de l’émotion, c’est le problème du musicien, pas de l’outil qu’on utilise».

:: Opéras électroniques ::
Cette émotion, Jean-Michel Jarre aime la faire partager au cours de ses concerts événements, véritables opéras électroniques, dignes du Livre des records. «Je ne suis pourtant pas mégalo. J’aime intégrer l’environnement dans mes concerts, en m’interrogeant sur la manière visuelle de rendre cette musique. À Houston, un concert qui a réuni 1,5 millions de spectateurs, j’ai joué avec l’architecture des lieux. On m’a aussi proposé de jouer devant les pyramides d’Égypte. Ça ne se refuse pas».

Jean-Michel Jarre garde également un souvenir ému de son premier concert en Chine, juste après l’ère Mao : « J’avais l’impression de jouer sur une autre planète, devant des gens qui n’avaient jamais vu ni entendu chose pareille. Ce fut un choc de part et d’autre ».

Plus modestement, Jean-Michel Jarre jouera son nouveau disque en boîte de nuit. Histoire de partager de manière plus intime le concept de « rencontre » qui court tout au long de Téo et Téa.

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20 février 2014

L'art jubilatoire de Jarre (Libre Belgique, 22/03/2007)

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Après bien des ennuis personnels et professionnels, il revient avec un album amoureux. Jean-Michel Jarre vous laisse vous raconter votre propre histoire de « Téo et Téa ». Et la rencontre se passe surtout sur les dance-floors.
Il le dit sans ambages : ce nouvel album a été réalisé "après une période assez sombre de ma vie personnelle, dont on a trop parlé, et des difficultés professionnelles en quittant une maison de disques." D’où l’aspect indéniablement "jubilatoire" du nouvel opus de Jean-Michel Jarre, qui fricote avec l’électro façon french touch. A bientôt soixante ans, le fringant Lyonnais, qui aime parfois jouer sur la symbolique lourdingue de certains lieux, se replie donc sur les dance-floors, une mutation opérée depuis l’excellent «Métamorphoses» paru en 2000. Le présent album s’appelle tout simplement «Téo & Téa», écrits en lettres au néon. Il y est essentiellement question d’amour, sous toutes ses formes.

:: « Téo & Téa », c’est comme un titre de film. ::
D’une certaine manière. Je suis parti de l’idée que, dans la société actuelle, une des priorités est la recherche de l’autre, d’un partenaire. C’est devenu quasi obsessionnel, on voit ça avec l’éclatement des sites de rencontres. Dans cette société, en apparence, on a de plus en plus d’outils de communication, mais les gens sont de plus en plus seuls. On a de plus en plus besoin et envie de chercher un partenaire avec qui, au-delà du partage des expériences sexuelles, vivre des valeurs et des émotions communes. L’histoire de Téo et Téa est un peu ça. J’ai choisi de la décrire musicalement, en relatant la rencontre dans tous ses états. Et qui dit rencontre dit évidemment, au départ, un moment dynamique. D’ailleurs, on utilise des métaphores du domaine de l’électricité comme le coup de foudre, se brancher, etc. Automatiquement, je suis allé vers des rythmes plus dynamiques, plus dance-floor, plus rythmiques et plus jubilatoires.

:: Est-ce un album concept ? ::
Je me méfie de l’idée. Tous mes albums ont toujours reposé sur une idée fondatrice ou directrice. N’écrivant pas de chanson à proprement parler, même s’il y a des mots ici, j’ai toujours eu le besoin, l’instinct de partir avec un fil conducteur. En partant du principe que la musique est un des derniers modes d’expression qui laisse l’audience libre de créer son propre film, sa propre histoire. «Téo et Téa» n’est pas une histoire que je raconte, mais une histoire qu’on peut se raconter à partir des éléments que je donne dans le disque.

:: Fréquemment en électro, la musique renvoie à des images filmiques. ::
Il y a une raison à cela. Depuis les années soixante, on a l’impression que la musique se résume à la chanson. Il faudrait se poser la question de savoir si la chanson n’est pas un simple secteur de la musique, plutôt que l’inverse. Ce que vous dites est alors vrai de toute forme de musique. L’art de Wagner ou du Mahler est très visuel. Une des grandes caractéristiques de la musique est de faire naître des images, et, dans un monde extrêmement lié à l’image, c’est un des seuls modes d’expression qui permet de ne pas donner de visuel «prémâché», mais de laisser l’auditeur créer ses propres images. De ce point de vue, la musique est certainement l’outil le plus interactif qui soit.

:: Avez-vous déjà des idées de mise en scène pour « Téo & Téa » ? ::
Pas du tout. L’univers de la pochette peut rappeler une ambiance à la David Lynch, et pour la composition de l’album, j’ai été influencé par le film « Sailor et Lula ». J’aime énormément l’univers de Lynch, un des seuls cinéastes à ne pas raconter d’histoire toute faite. Au cinéma, les gens sont habitués à être passifs. Quand il faut être actif, comme devant une peinture, une installation vidéo ou une musique, les gens sont vite déconcertés. Le côté visuel de Lynch m’a beaucoup inspiré, mais pas nécessairement pour ce que je ferai sur scène. Cela, c’est en train de mûrir, dans cette imagerie-là. Je vais m’y pencher dans les jours qui viennent.

:: Avec un titre comme «Vintage», on pouvait s’attendre à la présence d’instruments électro-acoustiques anciens comme les Ondes Martenot. En êtes-vous féru ? ::
Absolument. Sur scène, j’utilise depuis un certain temps le thérémine, un des premiers sinon le premier instrument d’interprétation des fréquences électroniques (inventé en 1919, NdlR). Mais j’ai un rapport étrange avec cet instrument parce que je n’en joue que sur scène, jamais en studio, et je ne répète jamais. Finalement, je suis devenu pas trop mauvais, parce que le thérémine est un instrument très difficile à domestiquer. Je suis obligé de jouer les yeux fermés, à l’aveugle, parce que dès que je regarde mes mains, je suis perdu. C’est un instrument extraordinaire, extrêmement sensuel, physique. Mon père (Maurice Jarre, NdlR) s’est beaucoup servi des Ondes Martenot, moi moins, mais par contre j’aime beaucoup les Moog et le ruban sensifif qu’avait aussi inventé Robert Moog.

:: Vous sentez-vous redevable de quelqu’un comme Pierre Henry ? ::
Pierre Henry pas trop, Pierre Schaeffer beaucoup plus. Je dois tout à Pierre Schaeffer, je pense d’ailleurs que nous lui devons tous tout. Il n’a absolument pas la place qu’il mérite. Quand il est arrivé, la musique n’a plus jamais été pareille. Il a défini toute la musique moderne en partant du principe qu’elle n’est pas faite uniquement de notes ou d’accords ou d’harmonies, mais aussi de sons, et que ce qui différencie le bruit d’un son est la main du musicien. Ces deux petites phrases-là ont changé l’univers musical dans le monde. Aujourd’hui, tous les DJ’s sont des enfants ou des petits enfants de Schaeffer.

Album « Téo & Téa », Warner Music, sortie le 23 mars.

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17 février 2014

Jean-Michel Jarre. L’album de sa vie. (Paris-Match, 22/03/2007)

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coupure presse,téo et téa,2007A 58 ans, il semble avoir retrouvé énergie et inspiration. Avec son quatorzième album studio, «Téo & Téa», très autobiographique, il entend rappeler qui est le maître de la musique électronique.

Ce n’est pas le genre de disque très attendu. Et c’est bien là son charme. « Téo & Téa », premier véritable nouvel album de Jean-Michel Jarre depuis «Métamorphoses» paru en 2000, surprend. Comme si, agacé d’être honteusement copié depuis l’arrivée de la « french touch », Jarre avait essayé de montrer qui est le patron. Il y a ce son d’abord, puissant, lourd et efficace, ces morceaux aussi, treize au total, mais tous assez courts, très énergiques le plus souvent, mélancoliques parfois. Aucun texte, seulement des émotions que le compositeur met en musique. Réussi ? Oui, franchement.

«Ces cinq dernières années ont été assez bouleversantes, raconte l’intéressé. Ma vie professionnelle et ma vie personnelle ont connu de nombreux soubresauts.» Tout le monde se souvient de sa brève romance avec Isabelle Adjani, de leur séparation médiatique par presse interposée. Puis Jean-Michel a épousé la comédienne Anne Parillaud, et n’a pas hésité à afficher son nouveau bonheur. Histoire de mettre un terme aux rumeurs. «Je me suis retrouvé, je suis resté debout, dit-il. Ma vie a souvent traversé des montagnes russes. Je me sens parfois dépressif, c’est l’absurdité des hauts et des bas. Ça vous tombe sur la gueule un jour ou l’autre… Cela vous plonge dans un état de vertige, un état d’égarement.» Puis vous sortez la tête de l’eau. Le jour de son mariage avec Anne, Maurice, son père, est présent. Jean-Michel, peu enclin aux grandes déclarations d’amour, peut, enfin, tourner la page d’une interminable brouille. «Je sais ce que je dois à Anne dans cette réconciliation. Aujourd’hui, j’ai des relations avec mon père, ce qui n’a pas été le cas pendant des années. La boucle est bouclée.»


Apaisé, le cœur moins lourd, l’esprit plus léger, Jarre s’empare de ses claviers et se lance dans la composition. Une centaine de titres arrivent très vite. Le projet « Téo & Téa » se dessine. «Je voulais évoquer le retour à l’autre, la recherche de son double. A tous les âges, on passe notre temps à vouloir partager nos émotions avec quelqu’un, peu importe le sexe ! » « Téo & Téa » va droit au but. On sent le coup de foudre, l’envie d’être éternellement jeune, le désir de vivre à fond, comme des gamins. Il y a un peu d’Anne dans Téa (on l’entend très distinctement pousser des cris sur « Beautiful Agony ») et beaucoup de Jean-Michel dans Téo. «La société dans laquelle on vit imprègne forcèment nos créations. J’ai le sentiment que, dans les années 80 et 90, nous étions dans une époque cynique. Aujourd’hui, nous sommes prêts à tout dans notre quête absolue de l’autre. Téo et Téa sont dans l’insouciance de l’amour, dans l’envie d’avancer ensemble. Ils ne sont pas nécessairement jeunes, ils ont chacun évolué dans des mondes parallèles avant de se trouver. Et l’étincelle de leur rencontre leur donne une nouvelle énergie.»

« Téo & Téa » fait effectivement preuve d’une inspiration retrouvée… «Même si j’aime beaucoup «Aero» (son album paru en 2004), j’étais à l’époque trop occupé par les histoires de « son 5.1″ et de « son surround » pour arriver à composer moi-même. J’étais enfermé dans la technologie, enfermé dans la quête de sons inouïs. J’étais frustré par la mauvaise qualité du C.d., la crise du disque vient de là également. Le C.d., pour moi, c’est le 78-tours du numérique !» avoue-t-il aujourd’hui. Depuis, Air, Daft Punk, les Chemical Brothers, Bob Sinclar, Emilie Simon et bien d’autres ont imposé leur talent sur la scène électronique mondiale. «Je n’ai pas de revendications musicales, car j’ai toujours eu du recul. Je fais de la musique électronique depuis toujours. J’ai vu des vagues passer et emporter plein de gens avec elles. Qui parle encore de la « french touch » ? Depuis 1976, j’aurais pu me contenter d’être le truc branché du moment, mais j’ai toujours su m’en préserver. En ne cherchant pas à comprendre, car un artiste n’a pas à se poser cette question.»

En concert le 15 avril au Queen à Paris.

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15 février 2014

"Je m’inspire des modes, mais je n’y entre pas" (24 heures, 13/04/2007)

Une tête d’ado ébouriffé et un savoir-vivre de gentleman, Jean Michel Jarre est paradoxal comme sa musique, à la fois hyperpopulaire et hyper- sophistiquée. Interview à l’occasion de la sortie de Téo et Téa, dernier album très réussi. Blouson de cuir blanc et brun et jeans gris, Jean Michel Jarre a l’élégance branchée. A cinquante-neuf ans, son visage est celui d’un enfant coiffé d’une tignasse indisciplinée. Il soupire, prêt à subir le énième entretien de sa promo. Mais sa réserve fond à l’écoute de son tube planétaire Oxygène, enregistré sur un petit dictaphone de journaliste pas techno du tout. Sourire aux lèvres, le pionnier de l’électro s’ouvre à la vie.

Que ressentez-vous encore à l’écoute d’Oxygène ?
– C’est comme si je l’avais composée hier, car j’ai un rapport au temps particulier. Cette musique m’a accompagné dans le monde entier. Parfois, elle m’a même précédé. Comme en Nouvelle-Zélande où je n’étais jamais allé et où j’ai découvert que c’était le générique du journal TV. C’est donc une musique qui me fait voyager dans le temps et dans l’espace.
Téo et Téa est un excellent nouvel album, plus tourné vers l’humain…
– Le thème de l’album est lié à la rencontre, aux sensations et aux sentiments de l’humain. Je l’ai fait avec une certaine jubilation. J’ai travaillé avec des instruments non virtuels comme des synthétiseurs. Cela m’a permis d’avoir un rapport plus organique et plus sensuel avec le son.
Est-ce aussi une rencontre avec vous-même?
– Oui. Je me suis beaucoup rapproché de mon père ces dernières années. Son absence était une béance qui m’a marqué. Le revoir m’a réidentifié et aidé à mieux me repérer. J’ai finalement pu dire des choses que je ne pouvais pas exprimer avant, par incapacité psychologique.
Concernant la musique, voyez-vous une filiation avec celle de votre père?
– Non. J’ai grandi loin de son sillage. Mes musiques de films sont plus influencées par Ennio Morricone ou Nino Rota. Mais Maurice Jarre a fondamentalement changé le rapport de la musique et de l’image. Il a été l’un des premiers à marquer au fer rouge l’ambiance d’un film avec un thème musical. On écoute trois notes du Dr Jivago et l’on revoit les images
Vous possédez aussi cette cohérence musicale?
– Je ne suis pas tourné vers le passé, mais lorsque je compose, c’est comme si j’ouvrais une porte et que je rentrais chez moi. Je n’ai jamais été à la mode. Je m’inspire des modes, mais je n’y entre pas. Quand il y a eu l’explosion de l’électro, cela ne m’a pas empêché de continuer à dire les choses à ma manière. Téo et Téa est un album fidèle à mon univers et en phase avec ce que j’ai envie d’écouter en 2007.
D’où vous vient ce besoin de concerts à l’extérieur?
– Je vais vous dire une chose à laquelle je viens de penser: c’est ma claustrophobie. Je me demande si ce n’est pas une des raisons pour lesquelles j’ai voulu faire des concerts à l’extérieur. Ma mère a été déportée en Allemagne. Elle a subi un bombardement dans un wagon. Autour d’elle, beaucoup de gens sont morts d’étouffement. Elle a survécu, mais elle a été claustrophobe longtemps et m’a transmis ce traumatisme. Une autre raison, c’est qu’il fallait mettre en scène les instruments électroniques et inventer une grammaire scénographique qui permet de «voir» la musique.
Quels territoires vous restent-ils à explorer?
– Plus vous creusez votre chemin, plus les territoires s’ouvrent à vous et dessinent des chemins innombrables. C’est une histoire sans fin. Il y a donc de plus en plus de choses que j’ai envie de faire, notamment des musiques de film. J’ai peu abordé ce genre car je crois que, psychanalytiquement, c’était le territoire du père.
Quels sont les cinéastes avec lesquels vous aimeriez travailler?
– Plein. Je viens de terminer la musique d’un film de Volker Schlöndorff, le réalisateur du Tambour. Il y a aussi David Lynch dont le film Sailor et Lula m’a suivi pendant la gestation de ce dernier album. Et puis, il y a des cinéastes comme Steven Soderbergh, pas tellement pour Ocean’s eleven, mais pour les films qu’il a pu faire avant, très oniriques. Le réalisme et l’expressionnisme ne m’intéressent pas, quel que soit le domaine. J’ai besoin qu’on m’emmène dans des endroits fantastiques.
Est-ce pour cela que vos compagnes sont toutes comédiennes?
– Oui. J’ai besoin d’être emmené au quotidien dans un rêve. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas le sens des réalités. J’aborde simplement la réalité avec un angle et un point de vue. J’ai vu un jour, en Indonésie, un enfant nu dans une rivière qui riait. Il n’avait rien. Ni parents, ni vêtements, ni nourriture; son espérance de vie était moindre et il éclatait de rire en voyant le soleil se lever. Pour moi, ça a été une expérience de vie incroyable.
Finalement, votre choix de l’électro était-il courageux?
– Non, car j’étais totalement fasciné par Pierre Schaeffer. Sa manière de faire de la musique, un peu comme on fait la cuisine, en triturant des notes et en mélangeant les fréquences était une approche très concrète et sensuelle du son qui m’a séduite.

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