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29 janvier 2014

Yesterday (Rock & Folk, 01/02/1987)

coupure presse,1987La Concorde. La Chine. Houston. Lyon. A l’heure du quatrième rendez-vous, flash-back sur une carrière à nulle autre pareille souvent discrète – ces années passées dans l’ombre des studios – parfois flamboyante – ces rarissimes concerts géants en des lieux insolites. Jean-Michel Jarre est peut-être un musicien du futur, mais il n’oublie pas de vivre au présent.

:: Fils à Papa? ::
Jean-Michel Jarre est né le 24 août 1948 à Lyon, dans une famille où il est tout naturel d’avoir la musique dans le sang. Son père est en effet le compositeur Maurice Jarre, qui deviendra célèbre pour d’innombrables musiques de films, de Franju aux superproductions de David Lean («La Chanson de Lara» du «Docteur Jivago», c’est lui), en passant par «L’Etau» de Hitchcock ou «Les Damnés» de Visconti. L'influence paternelle ne doit cependant pas être surestimée, car Jean-Michel Jarre sera séparé de son papa des l’âge de guatre ans. Néanmoins, il ne tarde pas à apprendre le piano, et sa formation musicale se poursuit au lycée et au conservatoire où il fait de solides études (harmonie, contrepoint et fugue). Pas question pour lui de ne jurer que par Bach, Mozart ou Beethoven: la plupart des jeunes, dans les années 60, écoutent du rock, et il ne fait pas exception à la règIe. On peut ainsi le voir tâter de la guitare ou de l’orgue dans de petits groupes sans lendemain comme Mystère IV ou les Dustbins qui ne vivront que le temps de quelques concerts dans les boites de la Côte d’Azur, pendant les grandes vacances.

:: Touche-à-tout ::
Nanti d’une licence de lettres, Jean-Michel tourne le dos à l’académisme de la musique classique et entre en 1968 dans le Groupe de Recherches Musicales qu’anime pierre Schaeffer. Il découvre ainsi une autre conception de la musique, tournée avant tout vers le son, et s’intéresse à la musique concrète (collages magnétiques) et plus particulièrement à la musique électronique : il utilise les premiers synthétiseurs expérimentaux. Son premier disque, La Cage, sort en 69, sans aucun succès. En 1971, il crée une sorte de scandale en faisant entrer la musique électroacoustique à l’opéra avec la musique de scène du ballet «AOR». Comme l’élitisme du GRM lui pèse, Jarre va s’essayer à communiquer avec un public plus large à travers différents moyens : jingles, musiques de films (Les Granges brûlées avec Alain Delon et Simone Signoret), génériques de télévision, sans renoncer pour autant à des oeuvres plus difficiles, comme en témoigne l’album confidentiel Deserted Palace. Par ailleurs, Jean-Michel profite de sa facilité de plume pour écrire des textes de chansons, mettant ainsi un pied dans le show-biz traditionnel. Patrick Juvet, en pleine période «décadente» (paillettes et bisexualité), et Christophe («Les Paradis Perdus»), entre autres, ont recours à ses services.

:: Oxygène détonant ::
Cette activité de parolier ne signifie pas que Jarre se désintéresse de la musique instrumentale. Au contraire. Le développement des synthétiseurs, qu’il s’est mis à collectionner, fait germer dans son cerveau le concept d’une musique électronique de portée universelle. Ni froide comme celle des « planants » allemands évoquant le vide des espaces intersidéraux, style Tangerine Dream ou Klaus Schulze, ni calquée sur le classique, façon Walter Carlos («Orange Mécanique») ou Tomita. Le pari semble risqué pour la plupart des majors, qui se gardent bien de tenter l’aventure. L’indépendant Francis Dreyfus* (disques Motors) est pratiquement le seul à croire en l’idée de Jean-Michel, et il ne le regrettera pas. A la surprise générale, le public s’enflamme pour la musique synthétique de Jarre, dès la sortie de l’album Oxygène, en 76. En France d’abord, ce qui lui vaut l’incompréhension de la critique, pour qui le succès a toujours quelque chose de suspect. Puis dans le monde entier, y compris dans les pays anglo-saxons, peu sensibles d’habitude aux productions françaises, à partir de 77. L’album figure dans les charts américains (N° 78) et les charts britanniques (N° 2), la perfide Albion réservant même un triomphe en simple à la quatrième partie de l’album (les morceaux n’ont pas de titres).

:: Concorde ::
Coup de chance ou révélation d’un authentique talent novateur ? Equinoxe, longuement peaufiné, parait à la fin de 78 et lève les derniers doutes. L‘album est aussi bien accueilli qu’« Oxygène ». Avec Jarre, la musique synthétique quitte définitivement les cercles restreints des babas fumeurs de pétards ou des cadres fumeurs n’achetant des disques que pour tester leur chaîne à dix bâtons, pour se glisser au creux de toutes les oreilles. A tel point que Jean-Michel est élu parmi les cinq hommes de l’année du magazine «People», l’équivalent américain de «Paris-Match», sans pour autant se laisser aller à jouer sur son physique avantageux de séducteur latin. Jarre forme d’ailleurs un couple idéal avec sa (seconde) femme, l’actrice Charlotte Rampling. Passionné d’images (il cite plus volontiers des cinéastes que des musiciens parmi ses influences), Jarre renoue avec la musique de film en composant la B.O. de «La Maladie de Hambourg» de Peter Fleischmann. Et il va monter un extraordinaire spectacle audio-visuel pour son premier concert, conçu comme un événement et une fête: un million de Parisiens répondent à son invitation, le 14 juillet 79, place de la Concorde. Ce show démesuré et retransmis en direct à la télévision lui vaudra d’entrer dans le « Livre Guinness des Records ».

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:: Nuits de Chine ::
Fort de cette expérience, Jarre va ensuite créer un événement encore plus médiatique, après avoir sorti Les Chants Magnétiques («Magnetic Fields» en anglais, jeu de mots en moins), début 81. En octobre de cette même année, il devient le premier musicien occidental contemporain de renom à franchir le rideau de bambou en emportant dans ses valises plus de vingt tonnes de matériel : une véritable aventure. 150000 Chinois assistent à ses shows à Pékin et Shanghai. Ces concerts sont retransmis par la télévision et la radio, touchant près de 30 millions de téléspectateurs et 500 millions d’auditeurs dans le monde entier. Jean-Michel a composé vingt minutes de musique pour un orchestre traditionnel chinois de trente-quatre musiciens, célébrant ainsi la rencontre de l’Orient et de l’Occident, du vénérable et du moderne. Un double album, "Les Concerts en Chine", et une vidéo réalisée par la chaîne anglaise A TV sortiront en 82. Loin de ne viser que le gigantisme, Jarre sortira son album suivant, «Musique pour Supermarché (clin d’oeil humoristique à ses détracteurs), à… un seul exemplaire, vendu aux enchères à l’Hotel Drouot au profit de jeunes plasticiens en juillet 83. Et plus sérieusement, «Zoolook» (fin 84) viendra couronner dix-huit mois de voyages et d’enregistrements à travers les musiques et les cultures.

:: Lyon, Texas ::
Visant toujours plus haut, littéralement, Jarre compose le premier thème destine à être joue dans l’espace, au saxophone, par l’astronaute Ron McNair. La tragédie de l’explosion de la navette Challenger en décidera autrement. Du coup, le concert de Jean-Michel prévu de longue date à Houston, au Texas, le 5 avril 86, ne commémore pas seulement le 150ème anniversaire du grand état sudiste. Il est aussi dédié à la mémoire des astronautes disparus et mêle les nombreuses prouesses technologiques, telles la harpe laser de Bernard Szajner ou les projections sur un Kilomètre de front de gratte-ciel, à l’émotion la plus simplement humaine. Le million et demi d’américains venu découvrir le phénomène en reste ébahi, et le lancement mondial – on n’ose dire mise sur orbite, au vu des circonstances – de l’album « Rendez-vous » est assuré. Pour le dernier concert en date de Jarre, début octobre, à Lyon, c’est le Pape lui-même qui s’avoue fasciné par le spectacle: intégrant la situation géographique particulière de la ville, entre collines et rivières, l’artiste en fait l’un des acteurs du show. Que pourra encore trouver ce musiciens hors-normes pour nous surprendre ? La réponse appartient à l’avenir, qu’il sait si bien préfigurer Oxygène, marque une borne dans l’histoire de la musique (on ne parlera pas de rock) synthétique, par sa richesse de textures ne se référant à aucun son connu, alternant harmonieusement passages «climatiques» et pièces aux mélodies aguichantes, comme la fameuse «Part 4», Une démarche approfondie dans «Equinoxe», qui varie les ambiances autour d’un thème central, «Les Chants Magnétiques» est si l’on veut plus terre-à-terre, en intégrant – et distanciant, à la façon hyper-réaliste – des éléments plus reconnaissables qu’à l’accoutumée, jusqu’au clin d’oeil «La Dernière Rumba»). Les Concerts en Chine bénéficie de la chaleur de la scène et de l'«inspiration du voyage, loin de simples clichés touristiques, Et «Rendez-Vous» illustre tous les aspects de l’art de Jarre, de la mélodie facile aux morceaux en apesanteur, avec un lyrisme nouveau.

:: Le meilleur album ::
Zoolook, comme d’une autre façon "Les concerts en Chine", est un disque de rencontres. ce qui exclut le risque de la stérilité, Rencontre avec d’autres musiciens novateurs. certes, comme Laurie Anderson, Adrian Belew (guitariste chez Zappa, Talking Heads et King Crimson) ou Marcus Miller (bassiste et arrangeur de Miles Davis), Mais aussi rencontre d’autres cultures, avec un très intéressant travail sur des voix s’exprimant dans les langues les plus diverses et sculptées par I’electronique, Par ailleurs, l’un des disques les plus énergiques de Jarre, à travers des rythmes humanises et marques. Le plus rock, si I’on veut.

00:00 Publié dans Interviews / Presse | | Tags : coupure presse, 1987 |  Facebook | | |