Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15 août 2013

Interview de Francis Dreyfus (1990)

francis dreyfus,1990


Francis Dreyfus a produit les albums de Jean Michel Jarre de 1972 à 2002. Interview réalisée pour le numéro spécial Jarre du magazine Claviers de Janvier 1990 sur sa collaboration avec l'artiste lyonnais.


En 1972, vous rencontrez un ancien musicien du GRM, racontez-nous…
Francis Dreyfus : "Quand j'ai proposé à Jarre de travailler avec Christophe que je venais de signer, on ne pouvait prévoir qu'il deviendrait le parolier le plus populaire de sa génération. Alors, on s'est dit : "Si des artistes te demandent d'écrire leurs paroles, on dira que tu fais maintenant de la production". On n'imaginait pas un tel succès. Quand d'autres artistes sont venus le chercher, on a encore joué cette carte : "Eh bien non, il fait son disque…" On a un peu aidé la chance en créant pour les médias la crédibilité évidente d'un artiste qui avait écrit et produit des tubes…"

Vous découvrez alors les bandes d'Oxygène
F.D. : Quand j'ai entendu cet album pour la première fois, je suis tombé par terre : "Bon ben on a un succès mondial…" Alors il m'a dit : "Bon, ben d'accord…" Il était un peu sceptique. J'étais complètement retourné. On a eu l'idée de faire de chaque magasin hifi une FM, avec un nombre d'auditeurs limités. C'était un travail de barges. On leur a fait cadeau d'un disque. Ils ont écouté. Trois jours après, coups de téléphone : "Est-ce qu'on peut vendre les disques?" On a vendu par ce canal-là près de cinquante mille albums, c'était une révolution. Les radios ont demandé à Jean Michel de venir faire des interviews. Tout d'un coup, il y a eu un impact énorme…

Pour vous, quelle a été la spécificité de Jean Michel dans la vague de la musique électronique des années soixante-dix?
F.D. : Dans la musique électronique, il y a une apologie de la machine qui supplante le concept. Il y a eu le trip de la musique planante, avec des sons qui correspondent au cosmos, etc. Je préfère prendre Pink Floyd, la guitare de Gilmour fait autrement planer… La musique de Jarre correspondait à ce que les gens avaient en eux. J'ai eu l'impression de devenir créateur, simplement en écoutant cette musique…

Vous avez alors repensé le concept même de concert?
F.D. : On a développé la visualisation de cette musique. Je disais à Jean Michel : "Fais-moi entendre le reflet de la lune sur le lac." Cela le faisait rire… Il fallait éviter les concerts traditionnels. Avec le concert, on veut faire redécouvrir une ville à ses habitants. La hauteur, la matérialité des buildings vous échappent parce que vous vivez dedans… Mais si on balance des projections, des illuminations, on redécouvre son cadre de vie. Une de mes obsessions est de donner des pulsions aux gens.

Pourquoi des concerts gratuits?
F.D. : C'est fantastique de pouvoir présenter au public un tel spectacle gratuit. À partir du moment où il y a un certain espace, en fonction du lieu où vous vous trouvez, vous avez des angles de vue et des perceptions personnels. Dans ce genre de concerts, l'artiste est le chef d'orchestre. La star, c'est la place, le quartier, la ville. Mais il faut que la moelle épinière de tout cela soit une musique. La magie des concerts Jarre, c'est d'abord sa musique.

On est plus dans une forme de "fête totale" que dans un concert?
F.D. : On retrouve les grandes fêtes populaires de jadis. C'est l'événement unique. Il reste dans la mémoire collective, on peut le transformer, l'enjoliver. Il y a des gens qui m'ont raconté ce qu'était Houston! Aux Etats-Unis, on a eu des critiques où l'on disait : "C'est entre Walt Disney et Spielberg" et c'est un peu ça, un conte de fée, une technologie, mais surtout un feeling.

Des concerts comme Houston et Docklands comportent des risques énormes…
F.D. : Il y a des problèmes invraisemblables de dernière minute. Les pires viennent de la météo… les problèmes financiers ne sont pas très agréables, mais on peut les gérer. Pour les problèmes techniques, on travaille avec une bonne équipe et on peut adapter le concept. mais les intempéries peuvent tout faire foirer… Dans certe aventure, Jarre est courageux, car il se trouve comme l'équilibriste sur le filin, il joue sa réputation. Après on ne dira pas : "C'est parce qu'il y avait du vent, de la pluie, etc." On dira : "Jarre, il était nul, c'est lamentable…" Ce que j'admire en lui, c'est qu'il est un aventurier dans tous les sens du terme. Il a un côté latin et fou furieux…

Comment voyez-vous l'avenir?
F.D. : Sans le côté aventure et création, je pourrais arrêter demain. On est devenu une mini-multi, mais je suis totalement indépendant. Si on sort un disque, c'est qu'on a envie de le sortir… Le côté "parts de marché", "bilan prévisionnel" ne m'intéresse pas… En revanche, le succès m'intéresse, car il ne faut pas oublier que jusqu'à présent, on a toujours réinvesti nos bénéfices dans les concerts. Je pense que Jarre est un artiste extrêmement important, il va le rester des années. Il n'en est qu'au commencement…

13 août 2013

Interview de Denis Vanzetto (1990)

Interview à Claviers magazine en janvier 1990 de Denis Vanzetto, ingénieur du son pour Jean Michel Jarre de 1983 au concert de La Défense du 14 juillet 1990.


1990,denis vanzetto,jean michel jarreTu as commencé à travailler avec Jean Michel Jarre en 1983?
Denis Vanzetto : C'était au moment de l'enregistrement de Zoolook. J'ai eu la chance de commencer à travailler avec Jean Michel à un moment où il débutait une longue expérimentation sur le son qui allait faire date, puisqu'on parle toujours aujourd'hui de Zoolook. Et puis je collaborais avec David Lord, connu aussi pour son travail avec Peter Gabriel. Une aventure passionnante commençait pour moi et le donnait l'occasion de travailler en studio d'une façon tout à fait inhabituelle, dans une atmosphère de créativité constante, où tout est possible sans cesse. Dans les studios commerciaux, on est en principe là pour réaliser, et il y a une pendule! Avec Jean Michel, dans son propre studio, on est là pour créer. Ce qui fait aussi que le résultat peut être très différent. Avec du matériel qui en principe est prévu pour mixer, Jean Michel fabrique ses sons et sa musique. C'est cette sorte d'alchimie qui m'a toujours intéressé.
Au moment de Zoolook, c'était son utilisation personnelle du sampling qui était le point de départ des compositions. Jean Michel, peut-être à cause de son passé de chercheur au GRM, se mettait à utiliser des sons réels pour les détourner et s'en servir comme des sons d'instruments de musique. Vous imaginez! Il créait des architectures rythmiques et sonores en manipulant des samplings de voix ethniques!

Dans le travail de studio, est-ce que tu as une large d'initiative et de proposition?
D.V. : Toujours, Jean Michel est un compositeur qui aime les échanges avec les autres et le dialogue en général. C'est ce qui fait l'intérêt du travail avec lui. Il y a une complicité humaine. On est complice de ses rêves et de ses désirs. Et puis Jean Michel va quelquefois très loin dans le travail sur un son, qui peut être déterminant dans un morceau. Là où la plupart des compositeurs se seraient arrêtés en route, lui s'obstine pour faire coller le rêve à la réalité. C'est peut-être l'un des secrets de sa force : son obstination sans relâche. Et les trouvailles fortuites au studio font partie du travail habituel et contribuent au résultat final. Un son en entraîne un autre. Et Jean Michel conçoit la phase du mixage comme faisant partie du processus de la composition.

Les techniques de travail ont-elles beaucoup évoluées de Zoolook à Révolutions?
D.V. : Jean Michel aime l'ouverture. Chacun de ses projets est un concept différent, qui motive ses choix et le matériel qu'il utilise. Ses méthodes de travail peuvent changer entre les albums. Rendez-vous était basé sur des sonorités symphoniques, et Zoolook utilise beaucoup le sampling.
Dans le dernier album Révolutions, Jean Michel s'éloigne des traitements classiques, échos, reverbs. On entend de nombreux sons, comme perçus à travers un zoom, avec une approche acoustique très surréaliste.
Et j'ai aussi un œil sur toutes les innovations techniques, susceptibles de faciliter son travail.

Comment Jean Michel se comporte-t-il en studio?
D.V. : Il n'arrête pas! Il n'a pas d'horaires. Il a une santé exceptionnelle. Depuis Zoolook, ce sont sans arrêt des albms, des concerts, des films, des projets qui s'enchaînent.

Pour les concerts, quels sont les problèmes principaux de sonorisation?
D.V. : Les problèmes de sonorisation sont directement liés aux endroits qu'il a choisis et la répartition du public. À Houston c'était la marée humaine! À Lyon, le son rebondissait sur les quais de la Saône et la foule était de l'autre côté de la rivière, très étalée en largeur. Dans les Docklands, les gens étaient étalés, très en largeur avec peu de recul. Jean Michel a aussi le souci d'intégrer le mieux possible l'équipement de sono au décor de l'endroit, ce qui fait également travailler la matière grise!
De plus, il m'a confié la responsabilité du set up de toute l'installation son, schémas à l'appui, pour faire fonctionner le tout. Pas évident du tout quand on sait la quantité d'instruments sur scène. Pour le concert de Londres, on a même été jusqu'à se faire prêter une console SSL avec son automation complète, un modèle de studio! Dans l'enfer de pluie et de vent, elle a d'ailleurs craquée! L'eau était entrée dedans! Heureusement que les équipes techniques de SSL étaient là! Et heureusement aussi qu'Eric Alvergnat était là, et réagissait avec sang-froid et aplomb à tout les imprévus, et Dieu sait s'il y en a eu! Et puis, pendant le concert, ce vent infernal qui balayait les quais en largeur et nous faisait un incroyable effet de flanger qui n'était pas prévu dans la musique… On avait installé huit points de sono Meyer sur un kilomètre de large, sans délais. On est loin des installations traditionnelles de deux gros ensembles droite/gauche.

Est-tu intéressé par des expérimentations sur la spatialisation du son?
D.V. : C'est devenu une de mes préoccupations depuis le concert dans les Docklands. Jean Michel était intéressé par la spatialisation d'effets sonores. Nous n'avons malheureusement pas pu le réaliser à Londres. Je ne suis pas convaincu par les tentatives récentes de quadriphonie et d'ambiophonie. Il y a autre chose à faire que de bouger un son avec un joystick. On pourrait aujourd'hui avec le matériel existant, occuper l'espace dans les trois dimensions. Je travaille avec une société canadienne qui a conçu un équipement nouveau dans ce but.

Travailles-tu toujours avec Xavier Bellanger?
D.V. : Jean Michel m'a fait rencontrer Xavier, anthropologue spécialisé dans les musiques en voie de disparition dans le monde entier et qui participait également à l'aventure de Zoolook en 1983. Il fait partie des rares scientifiques qui veulent montrer leurs recherches avec un sentiment esthétique. Il utilise les meilleures techniques audiovisuelles actuelles. Je reviens d'ailleurs d'une expédition d'un mois et demi avec lui en forêt amazonienne où j'ai enregistré avec un magnéto portable DAT. J'espère aussi contribuer aux recherches de Jean Michel par ce biais.


Propos recueillis par Christian Jacob

12 août 2013

Interview de Francis Rimbert (1990)

Interview à Claviers magazine en janvier 1990 de Francis Rimbert, fidèle parmi les fidèles de ses collaborateurs sur toutes les scènes du monde depuis Houston en 1986.


1990,francis rimbertComment les techniciens américains vous ont-ils reçus à Houston?
Francis Rimbert : Il y avait les plus grands professionnels du monde entier, et nous on arrive avec nos Eminent qui se désaccordent, les prises MIDI qu'on a publiées à la maison, les cassettes de sons qui se sont effacées à la douane… Les Américains nous ont d'abord pris pour des cinglés, quand ils ont vu ce qu'on déballait… Le Jupiter-6 tenait avec deux vis. Pour le faire marcher, je l'ouvrais et lui donnais un coup de poing : il y avait une broche qui ne marchait pas… Ils venaient avec des fers à souder : "Non, non, on tape là, c'est tout." Dès qu'on a commencé à travailler avec eux, ils arrivaient avec leurs consoles : "Au niveau des reverbs de retour, il y a des Lexico, tu en veux combien, sept, huit?" Quelle que soit ta musique, ils font un travail pro…

Quels sont les rapports entre Jean Michel et ses musiciens?
F.R. : On se comprend à demi-mots. C'est un aristocrate. C'est pas l'ambiance musicos, les grosses bouffes, les soirées jusqu'à cinq heures du matin dans les petits bars, etc. avec Jean Ichel, c'est dix fois mieux. Je l'appelle "le Boss" par antiphrase. Il ne pique jamais de crise de nerfs, je ne l'ai jamais vu craquer. même à Docklands… On n'a pas le son, on a des problèmes de connexions… Jean Michel arrive : "Pas de problème, on va te mettre tel synthé, et te le brancher." Il y a une ambiance super. Jean Michel respecte chacun, nos façons de travailler, notre humour, notre conception des synthés… Il sait préserver notre indépendance et notre tempérament, il veut bien qu'on s'exprime et il est prêt à accepter l'idée d'un chorus, mais en même temps, il ne veut pas changer… Il te dit par exemple de faire un arrangement, mais au moment où tu vas le faire, le maître revient : "Non, mais attend, là cela change trop, tu ne peux pas refaire ce son-là?" Tu refais le son et tu reviens à ce qu'il avait fait, et qui était parfait.

Et le concert des Docklands?
F.R. : Je pense que ce fut le concert le plus dangereux. Quand on est montés sur scène, je vois arriver Jean Michel sur sa barque. On était avec Jo Hammer dans un coin, sous la pluie. Jean Michel monte. On a cru qu'il allait nous dire : "On annule tout." Il a dit : "On est en retard, il faut y aller." Tout pétait de partout, et lui : "Pas de problème." On a déliré avec Sylvain Durand, qui avait un petit ocarina. Dès qu'on avait fini les répétitions, on allait dans le seul pub ouvert. Moi, j'avais un petit sax Casio. On s'amusait comme des fous, on jouait "Oxygène"… Je m'étais acheté un nez rouge et des gants et on déboulait dans le pub, On se faisait payer des bières… On était dans un état… On s'est fait des copains!

Et Lyon?
F.R. : Lyon, c'était sympa et familial, beau temps, le pape qui a chauffé la foule : "Je vous envoie en mission…" Il y avait aussi le syndrome de la bombe… On était hyoersurveillés. Il y avait des grilles en ferraille avec des projecteurs s'allumaient. Quand ils te balancent cette sauce qui t'arrive dans l'œil, c'est hyperdur, cela te fait mal. Il y avait des gens qui grouillaient sous la scène, ils étaient tous en train de chercher la fameuse bombe. Malgré le volume sonore, j'entendais ce qu'ils disaient. "Alors, tu l'as vue? La bombe? Non, la clé de 12. Oui, elle est là… La bombe? Non, la clé de douze." C'était énervant…

Pour les synthés, tu as connu ceux de la première génération… Comment vois-tu leur évolution, de manière rétrospective?
F.R. : Pour moi, la principale révolution, c'est le MIDI : c'est ce que j'attendais, avec les possibilités de synchro, les séquences et l'enregistrement multipiste. je crois qu'on est encore au début du synthé. Le faut que l'on puisse agir de moins en moins en temps réel, c'est débile. Le point sensible, c'est l'interface entre la machine et l'homme. Un ARP 2600 est plus facile à programmer qu'un M1… Les workstations, ce sont des orgue-meuble d'il y a dix ans… Le sampling, finalement, nous a fait faire machine arrière, même si j'ai été le premier à me jeter dessus. Je me suis laissé séduire par les sons d'imitation, les beaux violons. Grâce au sampling, tous les musiciens de bal ont viré leur trompettiste! Mais je vois des signes encourageants : la resynthèse.


Propos recueillis par G.D.

11 août 2013

Le concert de la Défense raconté par Jean Michel Jarre (1990)


Documentaire où Jean Michel Jarre présente ce qu'il avait en tête pour le concert de la Défense avec des images inédites de l'installation du concert.

00:02 Publié dans Après-concert | | Tags : 1990, paris, la défense |  Facebook | | |

09 août 2013

3 questions sur… Ses premiers synthés (1990)

1990,studio,synthétiseurs analogiques


1) Quel était ton premier synthé et d'une manière générale comment choisis-tu ton équipement dans la foule de matériels existants?
Jean Michel Jarre : "J'ai débuté avec le VCS-3 par accident et je l'ai exploré assez méthodiquement. Quand il est apparu en 1967/68, c'était formidable de soudain pouvoir faire des sons électroniques avec une petite machine alors que jusque-là, il fallait une grande pièce. Mon deuxième synthé a été l'ARP 2600 qui coïncida avec ma rencontre avec Michel Geiss qui m'en a fait la démonstration. Aujourd'hui, je suis sélectif par rapport à mes besoins. Vouloir tout utiliser est mauvais mais se limiter est dommage. Il faut observer ce qui se passe, par exemple, à travers la presse spécialisée. Mais il y a un retard en France, le problème est qu'ici, les ingénieurs du son, par exemple, vont se mettre au courant de l'équipement qui sort à travers des articles, tandis qu'aux Etats-Unis, ce sont eux qui les écrivent… dans les nouveaux instruments, le Wave en rack de chez PPG a l'air de correspondre à ce que je veux. Ce sera peut-être pon investissement de l'année car c'est le premier synthé à avoir le son numérique tout en fonctionnant selon une philosophie de traitement analogique et sur lequel on peut intervenir par des systèmes exclusifs MIDI d'une manière pas trop difficile. De plus, il n'a que huit voies ce qui fait deux fois moins de chances de faire trop de bruit…"

2) Avoir tous ces synthés constitue-t-il un handicap par rapport au problème de choix qui se pose?
J-M J : "J'ai un état d'esprit de collectionneur parce que j'ai une attitude affective avec les instruments, une des clefs de la musique étant basée sur les relations émotionnelles. Je revendique haut et fort le génie qu'il y a dans cette lutherie électronique qui fait que par exemple un Mellotron, ça se garde, comme tous ces instruments qui ont un côté Concours Lépine fableux. En revanche, je garde très peu de choses derrière ma console, une MPC 60 que je connais par cœur, le S 1000 (deux instruments vraiment réussis, pour musiciens), plus un instrument type Synthex ou MemoryMoog et pour les sons analogiques, un vieil ARP ou un vieil Oscar, le plus beau synthé monophonique qui ait jamais été construit. Dans la librairie du Fairlight II que j'ai depuis dix ans, j'ai une quantité de sins dans lesquels je peux piocher… Ce que j'aile dans le Fairlight, ce sont ses défauts et d'une manière générale, c'est souvent le côté bancal d'un instrument qui m'attire, c'est pourquoi le DX-7 ne me fait pas particulièrement fantasmer. De plus, c'est un ersatz de synthétiseur puisqu'on peut difficilement l'utiliser comme tel, la définition étant pour moi "pouvoir travailler un son en temps réel". Le DX-7 tient davantage de l'orgue à presets. Nous n'avons plus du tout une attitude progressiste par rapport à la manière d'envisager la musique car ce sont des gens qui ne sont pas du tout du monde de la musique qui conçoivent les instruments, ce qui était impensable auparavant. Je crois beaucoup aux Européens, en particlier aux italiens (Elka, Bontempi). Lors de la dernière réunion IRIS, j'ai cité une phrase de Claudel : "La musique est l'âme de la géométrie." Si les japonais se sont bien occupés de la géométrie, c'est à nous, Européens, de lui donner une âme. Nous avons un grand rôle à jouer pour essayer de trouver des instruments qui soient adaptés à notre sensibilité."

3) Quel serait ton synthé idéal?
J-M J : "La nouvelle lutherie doit privilégier l'importance de la main par rapport à celle du raisonnement. L'AKS ou le VCS-3 sont des instruments que j'adore encore maintenant car ils ont la familiarité d'un vieux vêtement et donnent ce sentiment de vivre un moment unique avec le son avec lequel on travaille, ce qui me paraît nécessaire à la composition. Évidemment, le clavier du VCS-3 fonctionne en tiers de volt par octave, ce qui fait qu'il n'est pas synchronisable. On ne peut pas mémoriser les sons, on est donc obligé de passer son temps à tout noter, à réfléchir, ce qui n'est pas si mal, car s'habituer à avoir tout instantanément n'est pas forcément la meilleure chose qui soit… Quand même, disons qu'un VCS-3 mémorisable, polyphonique, ayant le MIDI, des formes d'ondes complexes (pour avoir des sons digitaux), voilà l'instrument que je voudrais! Il ferait un malheur par rapport au concept du synthé car, aujourd'hui, on fait des choses beaucoup plus complexes avec un modulaire Moog qu'avec un instrument FM à partir du miment où on part de zéro. La technologie devrait permettre de faire des choses de plus en plus compliquées de plus en plus facilement. Les machines qui m'ont le plus marqué sont l'AKS, l'ARP 2600, l'Eminent, l'OBX, le Prophet, le Synthex, le Fairlight II, le S 1000, plus quelques instruments bizarres comme le Seiko et l'Oscar, qui a su utliser les meilleures potentialités de l'analogique et du digital. L'idéal est d'avoir les possibilités de génération sonore des synthés numériques et une erginomiedu synthé analogique. La disparition des boutons n'a évidemment pas à une disparu des mains. Je suis pour que tout puisse se faire (avec ou sans boutons) à condition que ce ne soit pas la technologie qui dicte ses choix au musicien. Domestiquer l'interface est une chose primordiale pour les dix années à venir. Si un type veut jouer avec un tuyau d'arrosage, il faut qu'il puisse le faire, la brancher MIDI, etc. Il faut arrêter de coller des prithèses à ce pauvre clavier qui n'en peut plus, et de cesser de vouloir en faire un autre instrument. Par exemple, le toucher piano pour jouer des cordes sur un synthé est une notion qui me fait hurler."


Propos recueillis par Catherine Chantoiseau

00:00 Publié dans 3 questions sur… | | Tags : 1990, studio, synthétiseurs analogiques |  Facebook | | |