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03 août 2013

3 questions sur… Jarre au GRM (1969)

1969,grm


1) Quel a été ton premier contact avec la musique électronique?
J-M J : Mon premier contact avec la musique "sérieuse" a été de rentrer au GRM de Pierre Schaeffer, le studio de recherche de la radio, future ORTF, et c'est vraiment à lui que l'on doit tout. Moi, je pense que c'est le père de la musique d'aujourd'hui. Le premier à avoir établi que la musique pouvait être conçue en termes de son et pas seulement avec des notes, du solfège ou du code d'une part, et d'autre part, que ce qui pouvait différencier un bruit d'un son musical, c'est finalement l'intention qu'on y porte. Le fait d'enregistrer un bruit de voiture dans la rue, ça ne devient plus un bruit, mais un son musical à partir du moment où il est fixé sur une bande magnétique et qu'il devient quelque chose. Je crois que ça a changé ma vie de musicien ou d'artiste et changé le cours de la musique au vingtième siècle. Aujourd'hui, la musique la plus populaire du monde, la musique électronique, est issue de cette idée toute simple. Un bouquin devrait être donné à lire dans toutes les écoles du monde, dans sa version simplifiée, c'est son "Solfège des objets Musicaux".
Mon premier contact avec l'électronique ça a été de travailler sur des bancs d'oscillateurs. A l'époque, on travaillait vraiment avec des instruments de laboratoire scientifique ou médicaux qui n'avaient rien à voir avec la musique. "

2) Quelle était l'atmosphére au GRM, on a du mal à l'imaginer?
J-M J : "Ce n'étaient pas vraiment des classes, c'était plutôt (rires), comme une secte. Un tas d'allumés de différents horizons et de différentes cultures se retrouvaient là, des gens d'Amérique du Sud, des Anglais, des Allemands, des Chinois. Et puis, pas seulement des gens avec une formation musicale, mais des architectes, des philosophes, des historiens, des anonymes, des peintres, des graphistes, et c'est ce mélange qui faisait que ça ressemblait plus à une cuisine qu'à une classe. Des cuisiniers du son ! Moi, ma cuisine était de squatter celle des autres. Celle du GRM en particulier où j'essayais de piquer les clés des artistes qui étaient établis, les Bernard Parmegiani, François Bayle qui ont suivi les traces de Schaeffer et une voie purement "musique contemporaine". Ceux qui avaient accès aux instruments sérieux. On essayait de squatter les appareils, entre les expérimentations avec un micro et les bandes et l'enregistrement des séries de séquences pour les monter au ciseau et au scotch."

3) Par la suite, lorsque tu es devenu populaire, est-ce que tu n'as pas été considéré comme un mauvais élève, et par Schaeffer, et par ton père Maurice Jarre?
J-M J : " Non parce que Schaeffer m'avait toujours dit, "le GRM, c'est bien à condition d'en sortir". Au bout de deux ans et demi, il m'a dit : "Tu as pris tout ce que tu pouvais prendre ici. Ce n'est ni la recherche ni le laboratoire qui te conviennent. Il faut que tu ailles à la rencontre du public et faire de la musique pour les films, etc. en intégrant la mélodie". Fin des années 60, j'ai commencé à sortir des disques à tirage limité et monter un petit studio qui comprenait deux Revox et un premier synthé, le VCS 3, une version misérabiliste du Moog fabriquée en Angleterre. Quand je dis misérabiliste, ce n'est pas péjoratif parce que cela reste un de mes synthés préférés : un synthé sans clavier, vrai synthé de recherche que beaucoup de gens de la musique électronique connaissent. Il faut comprendre qu'alors, il n'y avait pas de processus industriel et que les mecs qui les fabriquaient étaient tous des allumés. C'étaient des artisans, des gens qu'on allait voir chez eux. On a acheté le premier synthé à plusieurs et on se le repassait, en partageant le temps de studio."


Propos recueillis par Jean-Yves Leloup

12 janvier 2013

Interview de Jean Michel Jarre sur Pierre Schaeffer (2010)

Pierre schaeffer, jean michel jarre,harpe laser


Philippe Thanh: Comment avez-vous rencontré Pierre Schaeffer ?
Jean Michel Jarre: Après avoir été l'élève de Jeanine Rueff au Conservatoire de Paris et être passé dans quelques groupes de rock, j'ai intégré, fin 1968, le Groupe de recherches musicales où je suis resté un peu moins de trois ans. Cela a été déterminant pour mon avenir. Plus qu'un professeur, Pierre Schaeffer a été un véritable mentor pour moi : pour la première fois, j'étais en face de quelqu'un en train de penser la musique en termes de sons et non de solfège. L'époque - nous étions au lendemain de mai 1968 - était au rejet de la tradition et cet élan révolutionnaire prenait corps dans la pensée de Schaeffer.

Philippe Thanh: Après le GRM, vous composez un ballet pour l'Opéra de Paris...
Jean Michel Jarre: Il s'agissait d'Aor, une commande du GRCOP, le Groupe de recherches chorégraphiques de l'Opéra de Paris. La création en 1971 a fait un peu de bruit, au sens propre du terme : la moitié de la salle applaudissait, l'autre criait au scandale. C'était la première fois qu'on entendait de la musique électroacoustique au palais Garnier.

Philippe Thanh: Quinze ans après sa disparition, quelle influence conserve Schaeffer dans le monde musical ?
Jean Michel Jarre: Si aujourd'hui l'électronique est si largement répandue dans la musique, c'est à Pierre Schaeffer qu'on le doit. De ce point de vue, je regrette vraiment que son centenaire n'ait pas été plus largement médiatisé. Il n'a pas seulement réfléchi sur la musique concrète, mais aussi sur les médias de la musique qui font qu'aujourd'hui la même musique peut être diffusée partout, en même temps et de la même manière. Et des musiciens d'aujourd'hui, qui n'ont même jamais entendu le nom de Schaeffer, lui sont pourtant redevables. Ainsi, les DJ qui font des boucles sur des platines vinyle le doivent au "sillon fermé", lorsque, à la fin des années quarante, Schaeffer découvrit l'intérêt musical de la répétition à partir d'un 78 tours rayé.

Philippe Thanh: Aujourd'hui, en quoi êtes-vous toujours redevable à Schaeffer ?
Jean Michel Jarre: À mon sens, un artiste n'a qu'une seule chose à dire et, toute sa vie, il essaie de s'en approcher de manière obsessionnelle. En ce qui me concerne, j'ai toujours voulu faire le lien entre musique classique, expérimentale et pop, sans négliger l'aspect mélodique, et c'est à Pierre Schaeffer que je le dois. Il y avait chez lui un côté bricoleur, iconoclaste et en même temps une grande rigueur sur le plan de l'analyse des objets sonores qui m'inspirent encore aujourd'hui.


Lire aussi :
Les débuts de Jarre, par Jean-Yves Leloup (2000)
Jean Michel Jarre, jeunes années au G.R.M, par En Attendant Jarre

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21 décembre 2012

Interview de JMJ à Keyboards Recording (12/2010)

Salon de la musique, 2010


Revenu, littéralement, sur le devant de la scène à travers sa tournée mondiale lancée en 2010, Jean Michel Jarre bénéficie, 35 ans après Oxygène, d’un regain d’intérêt chez les artistes estampillés « musique électronique ». Le rencontrer, c’est parler à la fois de Pierre Schaeffer et de Koudlam, de synthés analogiques et de la version 9 de Pro Tools. La preuve.



Keyboards Recording : On a pu vous voir, mi-novembre, au Salon de la musique, Music & You. Quelle importance accordez-vous à un tel rendez-vous ?
Jean Michel Jarre : C’est, pour moi, une manifestation qu’il faut absolument soutenir : c’est l’un des rares moments de réunion du monde de la musique. Je trouve d’ailleurs dommage, et assez symptomatique de la France, du manque de reconnaissance de cet univers par les « autorités ». Prenez le Salon du livre, les festivals de cinéma, tous ces rendez-vous où l’on voit les ministres affluer, et là, personne ! C’est très révélateur d’un certain état d’esprit français par rapport à la musique. C’est d’ailleurs un problème qui commence dès l’éducation : alors que dans les autres pays européens, la musique est considérée comme une matière à part entière, au même titre que l’histoire-géo ou les maths, ici cela relève du système D.


KR : Ce qui est paradoxal, c’est que, dans le cadre de votre domaine, la musique électronique française bénéficie d’une certaine reconnaissance hors de nos frontières…
JMJ : Oui, il existe une vraie légitimité. Ce n’est pas un hasard si la musique électronique française est l’une des plus importantes au monde, elle a hérité d’un caractère qui lui est propre. Au mois de juin dernier, j’ai reçu un MOJO Award (cf Distinctions), qui m’a été remis par John Foxx (fondateur d’Ultravox, ndlr), qui a expliqué: «Lorsque j’étais plus jeune, en Angleterre, nous étions envahis par la musique américaine, et quand j’ai entendu votre musique pour la première fois, j’ai découvert quelque chose de fondamentalement européen, et cela m’a donné envie de faire autre chose, de créer Ultravox…» Je pense que c’est très significatif de la manière dont la France a généré une approche particulière de la musique… Et cela vient du fait qu’on a eu quelqu’un comme Pierre Schaeffer.


KR : On ne parle plus beaucoup de lui, pourtant…
JMJ : C’est vrai. Et c’est scandaleux que l’on n’ait pas fêté le centième anniversaire de sa naissance en 2010. Si nous étions aux États-Unis, il serait plus important que John Cage, Philip Glass et tous les musiciens américains réunis ! Ici, personne n’en parle… C’est lui qui a ouvert la voie, apporté une approche sonore de la musique à travers le sound design, en ne se limitant pas aux seuls aspects théoriques, au solfège, aux harmonies, etc.


KR : Le GRM (Groupe de recherches musicales), auquel vous avez participé, a joué un rôle particulier dans cette émergence ?
JMJ : Je sais que si je suis là aujourd’hui, c’est grâce au GRM (Article détaillé), et grâce à Schaeffer. La musique telle qu’on la fait aujourd’hui, où l’on utilise tous les procédés de trafic du son, que ce soit chez les DJ, dans le hip hop, dans la techno, ou même dans le rock, vient de lui. Ce n’était pas le cas de Stockhausen, qui avait une approche intellectuelle de l’électronique intégrée dans la musique contemporaine, pas du tout dans le concept de matière sonore. C’est donc une légitimité supplémentaire de l’électronique française, dont personne ou presque ne parle. C’est vrai que l’on peut revendiquer cela à l’extérieur, et il y a une certaine forme de respect de musiciens dans le monde par rapport à ça.


KR : La reconnaissance est parfois longue à venir…
JMJ : Cela prend du temps, toujours… La scène électronique était tellement réduite à l’époque… Nous étions une poignée d’allumés quand on a commencé à travailler au GRM, et quand Oxygène est sorti, dix ans après (en 1976, ndlr), ce n’était pas non plus dans l’air du temps : ça avait été refusé par toutes les maisons de disque, nous étions dans la période du disco, ce genre de choses. En fait, je n’ai jamais été dans un mouvement de mode. Et ce serait un conseil que je pourrais donner à quelqu’un qui commence : éviter de suivre la mode, et tracer son chemin.

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03 avril 2011

La Cage / Erosmachine (45 tours, 1969)


Alors qu'il est étudiant au GRM de Pierre Schaeffer, Jean Michel Jarre entre clandestinement dans les studios de la Maison de la Radio, de nuit pour réaliser ces deux titres avec un VCS-3, une bande magnétique et des cutters.

L'album, qui est signé par Pathé-marconi, est vendu à 117 exemplaires. Le stock des vinyles invendus restera des années dans une réserve.
Aujourd'hui, ce disque est l'un des plus prisés des collectionneurs.



Composition du disque
A) La Cage (3:25) batterie: Jean-Pierre Monleau
B) Erosmachine (3:00)