25 janvier 2014
Jarre rebranche ses synthés historiques (Le Monde, 15/12/2007)
Sur la scène du Théâtre Marigny-Robert Hossein, à Paris, ils sont tous là. Mini Moog et les autres membres de la famille (Taurus, Voyager, Little Phatty…), le VCS3, l’ARP 2 600 et l’ARP Odissey, le Jupiter 8 de Roland, l’Eminent 310… Autant de noms des plus célèbres synthétiseurs, à claviers ou non, des années 1970 et du début des années 1980. Certains de ces instruments de référence dans le rock dit symphonique et planant mais aussi la new wave avaient été utilisés pour l’enregistrement du disque Oxygène, de Jean-Michel Jarre, paru en 1976. D’autres servent au compositeur et claviériste à « actualiser » la version en public de ce qui est l’un des plus célèbres disques de musique instrumentale, dont les sons et les idées se retrouvent dans bien des propos des stars actuelles de la techno-dance-electro. Un succès mondial aussi, Oxygène ayant fait le tour de la terre, vendu à plus de 12 millions d’exemplaires.
Le compositeur, 60 ans en 2008, a débuté en 1968 dans la musique électro-acoustique au sein du Groupe de recherche musicale de Pierre Schaeffer, mais il est plutôt connu pour sa manière d’habiter des lieux de plein air (Place de la Concorde, site de la NASA, pyramides de Gizeh, Cité interdite de Pékin…). C’est un Jarre plus intime qui est à Marigny depuis le 12 décembre (prochains concerts les 14 et 15, du 18 au 22 et le 26). Un concert d’environ soixante-quinze minutes, Oxygène intégralement avec quelques parties solistes, un public de connaisseurs, des visiteurs venus de Grande-Bretagne, d’Italie, d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Espagne. La musique tient la route, finalement pas moins « facile » que celle des Allemands de Kraftwerk, si souvent cités comme références par les techno boys et techno girls.
Au-delà, l’expérience est un intéressant retour sur les manipulations physiques, aujourd’hui très étranges, que nécessitaient les machines et claviers gainés de bois pour produire un son. Pour Jarre et ses trois camarades (Dominique Perrier, Claude Francis Rimbert et Claude Samard – des pointures), chaque note est le résultat de réglages d’oscillateurs, modulateurs, triggers, delays, filtres, etc., commandés par des boutons, des interrupteurs, ou par l’insertion de fiches façon central téléphonique d’antan… Plusieurs tonnes de câbles et d’électronique qui aujourd’hui tiennent dans la puce de 1 cm2 du moindre ordinateur.
Le soir de la première, l’autre exploit de Jarre et de ses musiciens aura été de ne pas connaître – ou presque – d’incident technique. Les mesures de sécurité liées à la présence du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, logé au proche Hôtel Marigny, avaient obligé à effectuer presque à la dernière minute l’installation du matériel et ses réglages, aussi délicats qu’une affaire d’Etat.
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08 janvier 2014
En quête d'éphémère (Tribune de Genève, 27/11/2007)
Trente ans après, le musicien français rejoue «Oxygène». Rencontre.
On retient son éternelle jeunesse d’homme-cosmonaute maniant un drôle de clavier. Jean Michel Jarre, ses mélodies dansantes et ses nappes de son planant entre les buildings d’Houston ou les clochers de Lyon ont marqué les esprits en imposant la formule du «mega concert». Mais avant de faire exploser le light show dès 1979, Jarre s’est distingué parmi les premiers compositeurs de musiques électroniques grand public.
Si, aujourd’hui, l’équation semble aller d’office – notamment depuis l’avènement de la techno – il en allait tout autrement en 1977, lorsque sortait Oxygène. Faux premier disque et vrai début commercial, le fameux album reparaît trente ans après, avec les explications de son auteur.
Il y a trente ans, quel était l’état d’esprit?
On avait une vision poétique du futur. En 1977, il y avait de l’irrationnel dans la technologie. Pour ma part, j’avais un fantasme, faire le pont entre la musique expérimentale à laquelle je m’étais formé et la pop music.
En 2007, pourquoi rejouer «Oxygène»?
Cet album, je l’ai pratiquement fait dans ma cuisine. Dans ce qu’on appellerait aujourd’hui un «home studio». Déjà à l’époque, j’avais envie de faire cela dans un grand studio avec les instruments d’alors, les synthétiseurs analogiques.
Quelle est la particularité de ces instruments?
Mellotron, Farfisa ou ARP sont à la base de l’electro. Au même titre que les violons Stradivarius, leur fabrication s’est arrêtée brusquement. Ceux que l’on emploie aujourd’hui datent par conséquent d’il y a trente ans. On les voit comme déshumanisés, froids. Comme les synthétiseurs numériques d’aujourd’hui. En fait, Mellotron et consort sont très poétiques. Un mélange de bois, de transistors et de lampes.
Aujourd’hui, vous jouez «Oxygène» en live. Etait-ce possible en 1977?
Ça ne se faisait pas. La musique électronique, c’était avant tout du laboratoire. Car autant les instruments rock sont venus de la scène pour être ensuite électrisés, autant les synthétiseurs analogiques sont nés en studio pour en sortir.
«Oxygène», c’est quoi au juste comme musique?
Une musique impressionniste. A l’inverse de Kraftwerk, qui se rapportait à l’expressionnisme allemand, à la froide robotique de Metropolis. J’étais obsédé par autre chose: rien ne devait se répéter à l’identique. C’est pourquoi chacune des séquences est jouée à la main. Cela donne des accidents. De même, nous n’arrivions jamais à accorder exactement tous les instruments.
Quel regard portez-vous sur les musiques d’aujourd’hui?
Nous sommes dans une équation de recyclage. C’est une démarche écologique où rien n’est inédit. Les créateurs du XXIe siècle n’ont pas l’innocence d’avant. On écoute les sixties comme Beethoven ou Chopin. Désormais, lorsque l’on joue du rock, il y a trente ans d’histoire derrière. C’est pourquoi on retourne vers des instruments comme le Mellotron, dont la mémoire ne dépasse pas sept secondes. Trente ans, après on recherche à nouveau l’éphémère. Moi-même, j’ai toujours eu l’impression de faire des brouillons.
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26 décembre 2013
Interview au Matin: "Revisiter Oxygène m'a fait du bien" (12/2007)
:: Article publié le 16 décembre 2007 dans Le Matin :: On ne présente plus Jean Michel Jarre, l’un des Français les plus connus dans le monde. Trente ans après le succès effronté d’«Oxygène» et ses douze millions d’albums vendus, le musicien le remet au goût du jour.
"Quand j’ai fait «Oxygène», c’était chez moi, avec des moyens très modestes. Je m’étais dit qu’un jour je l’enregistrerais d’une meilleure manière. Alors qu’on parle de haute définition pour l’image et le son, j’ai réenregistré la version telle que je voulais l’entendre, avec les vieux instruments mais avec un son bien meilleur. C’est un concert sans public. Le public, c’est vous, devant votre écran de télévision", explique-t-il. Une version bonus permet même grâce à des lunettes fournies avec le DVD de visionner le concert en 3D. Rencontre avec un homme sur qui le temps n’a pas laissé de traces.
Quel regard portez-vous sur «Oxygène», trente ans après?
J’ai forcément un rapport affectif lié à cette musique qui a bouleversé ma vie personnelle et artistique. Ça m’a montré pourquoi je faisais cette musique et pas une autre. On a toujours considéré la musique électronique comme froide, robotique, alors que j’étais obsédé par le côté sensuel et organique des instruments.
Vous avez été un précurseur de la scène électronique. Que pensez-vous des suiveurs, comme Daft Punk?
Des groupes comme Daft Punk ou Air s’en sont sortis parce qu’ils sont de bons musiciens. Il n’y a pas de notion de progrès en matière de musique. Chaque génération apporte son lot de talent. Mais la musique électronique a charrié beaucoup d’ambiguïtés. On en a parlé à travers les DJ, or, au départ, ce ne sont pas des musiciens mais des passeurs de musiques des autres. Ce n’est pas du tout péjoratif mais c’est une autre activité. Ensuite, ces DJ ont voulu faire de la musique. Ce n’était pas très convaincant parce que ça n’était pas leur truc. On a tendance à assimiler la musique électronique à celles des dancefloors mais elle n’est pas un genre en particulier. C’est une manière de faire de la musique.
Qu’est-ce qui motive un nouvel album?
Souvent, des impulsions, des envies. Pour «Téo et Téa», j’ai traversé une période un peu compliquée dans ma vie privée et professionnelle et j’ai eu envie de faire un album assez dynamique, en utilisant des rythmes de dancefloor. Ce n’était pas un virage, juste une expérience. La notion de renouvellement est très dangereuse dans le trajet d’un artiste. Un artiste ne peut pas se renouveler; il a une chose à dire et il la dit toute sa vie de manière différente. Je pense qu’il est bon parfois de revenir à ses racines pour voir où l’on est sur le plan de l’identité artistique. Revisiter «Oxygène», psychanalytiquement parlant, m’a certainement fait du bien.
Vous êtes un pionnier et, pourtant, vous traînez une image de ringard. Comment l’expliquez-vous?
Je connais ça depuis toujours. A l’époque, «Oxygène» a été refusé par toutes les maisons de disque, c’était un ovni arrivé en pleine époque disco et punk. Je n’ai jamais été ni dans un mouvement ni reconnu comme appartenant à une vague particulière. Et les grands concerts que j’ai pu faire m’ont collé une image superficielle. On m’a souvent jugé sur les images de feux d’artifice sans nécessairement voir les raisons pour lesquelles je le faisais. On ne peut pas plaire à tout le monde et, finalement, je vis très bien avec cet état de confusion. Quand vous durez, forcément, à votre troisième album, vous êtes un vieillard. Alors à votre quinzième, c’est l’époque des dinosaures!
Pourquoi avez-vous si longtemps privilégié les concerts à l’extérieur?
Il y a plusieurs explications. D’abord, j’ai un côté un peu claustrophobe, et puis la musique électronique est une musique de laboratoire, de studio. On a envie de sortir, parfois. La troisième raison, plus profonde, c’est que j’ai envie d’entendre cette musique en extérieur. On est dans une époque où les lieux de concert cessent d’être des théâtres pour devenir des salles de congrès: il y a un congrès de parti politique le lundi, un match de boxe le mardi, une réunion de publicitaires le mercredi, et vous passez le jeudi, dans des ondes qui sont un peu contradictoires. Instinctivement, j’ai voulu investir des lieux plus vierges.
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16 novembre 2013
Interview de JMJ au journal Balthazar (mai-juin 2007)
L'amour est le fil conducteur du tout dernier album de Jean Michel Jarre. Avec Téo & Téa, on assiste à la naissance et à l'accomplissement d'un amour universel, énergique, vibrant, pour tout dire jouissif, Ici, la technique souvent présente chez cet artiste hors du commun disparait, au profit d'une musique électronique habillée de couleurs chaudes et sensuelles,
Un album-concept étonnant où l'auditeur a finalement le dernier mot, puisque c'est l'imaginaire qui déclenche les images et la rêverie autour de cette musique…
::: Interview :::
Balthazar ::: Jean Michel, tu es en quelque sorte le père de la musique électronique, née il y a vingt-cinq ans…
Jean Michel Jarre : Je ne revendique pas du tout la paternité de tout cela. Je préfère réserver le mot père pour mes enfants. Je trouve que la musique est tellement intemporelle, que je ne ressens pas du tout les choses ainsi. Quand j'ai commencé la musique électronique, j'étais persuadé que ce mode de création musicale deviendrait universel. Et finalement, tout ce qui s'est passé après ne m'a pas du tout étonné.
::: C'est effectivement devenu un genre musical à part entière et surtout en perpétuelle évolution. Justement, avec ton nouvel abum Téo & Téa, tu plonges le genre dans un bain de jouvence radical, avec une musique électronique affranchie de la technique faisant la part belle à la sensualité…
J.M.J : Effectivement, j'ai abordé cet album avec une certaine jubilation après une période assez sombre de ma vue. Sur le plan personnel, c'était de notoriété publique, donc ce n'est pas la peine d'y revenir. Sur le plan professionnel, j'ai changé de maison de disques dans des conditions assez douloureuses, mais je suis absolument ravi d'être aujourd'hui chez Warner. C'est mon premier album studio chez eux et il sort dans le monde entier dans de bonnes conditions. Tout ça m'a donné envie ! Après une période où j'ai travaillé beaucoup replié sur moi-même avec les machines, ce qui est un peu le cas de beaucoup d'entre nous, j'ai eu envie de travailler d'une manière différente. J'ai pris trois ou quatre instruments, un synthé très artisanal, et j'ai travaillé de manière instinctive, comme dans un groupe de rock. J'ai fait cinquante maquettes en un mois, ce qui ne m'étais jamais arrivé. Puis je suis rentré en studio, j'ai extrait une vingtaine de morceaux d'où j'ai tiré les treize titres qui composent Téo & Téa.
::: Tu es le compositeur d'une musique que l'on écoute autant qu'on la regarde, mais les histoires ne sont pas imposées, chacun s'invente sa propre histoire…
J.M.J : Pour moi, une des grandes forces de la musique, et c'est sans doute le seul mode d'expression qui permet ça, est de laisser à chacun la liberté de se faire son propre film. Téo & Téa, ce n'est pas une histoire que je raconte, mais je crée une ambiance, un cadre pour que chacun puisse se fabriquer et s'inventer des images. Je n'impose rien, je laisse à chacun le soin d'imaginer…
::: Téo & Téa est une histoire d'amour. On sent un coup de foudre, une fusion jusque dans les noms. Puis le monde les rattrape et pertube leur histoire en envoyant des ondes négatives…
J.M.J : C'est une sorte de film que l'on se fait dans la tête sur la relation. On fait le tour d'une relation amoureuse dans tous ses états. Avec la rencontre des deux personnages, la poursuite, la chasse, la quête amoureuse, et finalement il y a l'amour, la sexualité… notamment avec le titre Touch to remember qui traduit l'idée que l'on sait à quel point on existe lorsqu'on touche l'autre… et puis tu as Partners in crime, beaucoup plus cinématographique, façon Bonnie and Clyde, qui raconte comment dans un couple l'autre va te permettre d'accomplir des choses inconcevables jusque-là… enfin tu as des morceaux très urbains comme Chatterbox, qui exprime la jubilation dans le quotidien, le partage. Ou Melancholic Rodeo, l'idée que dans une relation tu vis des hauts et des bas et qu'il faut tenir selle car la vie t'y oblige.
::: Dans tout ce que tu avais fait auparavant, il y avait un côté intemporel, où l'on flirtait avec le mystique, on était dans l'abstraction. Avec cet album, on serait dans le concret?
J.M.J : Oui, avec des sonneries de téléphone, des mots, des sons organiques comme des battements de cœur, des jouissances… J'ai beaucoup travaillé sur les bruits du corps. Il y a même des rythmiques qui sont créées à partir de bruits organiques, mais qui ne sont pas du tout expérimentaux. Ils sont très mélodiques et vont tout à fait dans la sensualité.
::: Peut-on dire que tu as écrit cet album avec ton cœur?
J.M.J : Je l'ai peut-être plus écrit avec mon cœur qu'avec ma tête. C'est bien possible… Dans une société totalement déboussolée comme la nôtre, on s'aperçoit que ce n'est ni l'argent, ni la célébrité, ni le sexe qui représentent les choses fondamentales. C'est en fait l'amour et la rencontre de l'autre qui priment. C'est une obsession universelle, il suffit de regarder tous les sites de rencontres sur Internet. La volonté, le désir de tous de partager et de trouver son âme sœur quelque part dans le monde, parmi les six milliards d'individus. Lorsque l'on est ensemble, plus rien n'est impossible. C'est ce que l'on ressent à un certain moment de sa vie. Et j'ai la chance de pouvoir le ressentir dans ma propre vie. Mais au-delà de ce parallèle avec ma propre histoire, c'est ce que je souhaite au plus grand nombre : la quête de l'amour.
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10 novembre 2013
Jean Michel Jarre évoque Téo et Téa pour L'Express (2007)
Jean Michel Jarre évoque à L'EXPRESS la genèse de l'album Téo et Téa. L'interview est filmée depuis son studio en région parisienne.
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