16 novembre 2013
Interview de JMJ au journal Balthazar (mai-juin 2007)
L'amour est le fil conducteur du tout dernier album de Jean Michel Jarre. Avec Téo & Téa, on assiste à la naissance et à l'accomplissement d'un amour universel, énergique, vibrant, pour tout dire jouissif, Ici, la technique souvent présente chez cet artiste hors du commun disparait, au profit d'une musique électronique habillée de couleurs chaudes et sensuelles,
Un album-concept étonnant où l'auditeur a finalement le dernier mot, puisque c'est l'imaginaire qui déclenche les images et la rêverie autour de cette musique…
::: Interview :::
Balthazar ::: Jean Michel, tu es en quelque sorte le père de la musique électronique, née il y a vingt-cinq ans…
Jean Michel Jarre : Je ne revendique pas du tout la paternité de tout cela. Je préfère réserver le mot père pour mes enfants. Je trouve que la musique est tellement intemporelle, que je ne ressens pas du tout les choses ainsi. Quand j'ai commencé la musique électronique, j'étais persuadé que ce mode de création musicale deviendrait universel. Et finalement, tout ce qui s'est passé après ne m'a pas du tout étonné.
::: C'est effectivement devenu un genre musical à part entière et surtout en perpétuelle évolution. Justement, avec ton nouvel abum Téo & Téa, tu plonges le genre dans un bain de jouvence radical, avec une musique électronique affranchie de la technique faisant la part belle à la sensualité…
J.M.J : Effectivement, j'ai abordé cet album avec une certaine jubilation après une période assez sombre de ma vue. Sur le plan personnel, c'était de notoriété publique, donc ce n'est pas la peine d'y revenir. Sur le plan professionnel, j'ai changé de maison de disques dans des conditions assez douloureuses, mais je suis absolument ravi d'être aujourd'hui chez Warner. C'est mon premier album studio chez eux et il sort dans le monde entier dans de bonnes conditions. Tout ça m'a donné envie ! Après une période où j'ai travaillé beaucoup replié sur moi-même avec les machines, ce qui est un peu le cas de beaucoup d'entre nous, j'ai eu envie de travailler d'une manière différente. J'ai pris trois ou quatre instruments, un synthé très artisanal, et j'ai travaillé de manière instinctive, comme dans un groupe de rock. J'ai fait cinquante maquettes en un mois, ce qui ne m'étais jamais arrivé. Puis je suis rentré en studio, j'ai extrait une vingtaine de morceaux d'où j'ai tiré les treize titres qui composent Téo & Téa.
::: Tu es le compositeur d'une musique que l'on écoute autant qu'on la regarde, mais les histoires ne sont pas imposées, chacun s'invente sa propre histoire…
J.M.J : Pour moi, une des grandes forces de la musique, et c'est sans doute le seul mode d'expression qui permet ça, est de laisser à chacun la liberté de se faire son propre film. Téo & Téa, ce n'est pas une histoire que je raconte, mais je crée une ambiance, un cadre pour que chacun puisse se fabriquer et s'inventer des images. Je n'impose rien, je laisse à chacun le soin d'imaginer…
::: Téo & Téa est une histoire d'amour. On sent un coup de foudre, une fusion jusque dans les noms. Puis le monde les rattrape et pertube leur histoire en envoyant des ondes négatives…
J.M.J : C'est une sorte de film que l'on se fait dans la tête sur la relation. On fait le tour d'une relation amoureuse dans tous ses états. Avec la rencontre des deux personnages, la poursuite, la chasse, la quête amoureuse, et finalement il y a l'amour, la sexualité… notamment avec le titre Touch to remember qui traduit l'idée que l'on sait à quel point on existe lorsqu'on touche l'autre… et puis tu as Partners in crime, beaucoup plus cinématographique, façon Bonnie and Clyde, qui raconte comment dans un couple l'autre va te permettre d'accomplir des choses inconcevables jusque-là… enfin tu as des morceaux très urbains comme Chatterbox, qui exprime la jubilation dans le quotidien, le partage. Ou Melancholic Rodeo, l'idée que dans une relation tu vis des hauts et des bas et qu'il faut tenir selle car la vie t'y oblige.
::: Dans tout ce que tu avais fait auparavant, il y avait un côté intemporel, où l'on flirtait avec le mystique, on était dans l'abstraction. Avec cet album, on serait dans le concret?
J.M.J : Oui, avec des sonneries de téléphone, des mots, des sons organiques comme des battements de cœur, des jouissances… J'ai beaucoup travaillé sur les bruits du corps. Il y a même des rythmiques qui sont créées à partir de bruits organiques, mais qui ne sont pas du tout expérimentaux. Ils sont très mélodiques et vont tout à fait dans la sensualité.
::: Peut-on dire que tu as écrit cet album avec ton cœur?
J.M.J : Je l'ai peut-être plus écrit avec mon cœur qu'avec ma tête. C'est bien possible… Dans une société totalement déboussolée comme la nôtre, on s'aperçoit que ce n'est ni l'argent, ni la célébrité, ni le sexe qui représentent les choses fondamentales. C'est en fait l'amour et la rencontre de l'autre qui priment. C'est une obsession universelle, il suffit de regarder tous les sites de rencontres sur Internet. La volonté, le désir de tous de partager et de trouver son âme sœur quelque part dans le monde, parmi les six milliards d'individus. Lorsque l'on est ensemble, plus rien n'est impossible. C'est ce que l'on ressent à un certain moment de sa vie. Et j'ai la chance de pouvoir le ressentir dans ma propre vie. Mais au-delà de ce parallèle avec ma propre histoire, c'est ce que je souhaite au plus grand nombre : la quête de l'amour.
01:00 Publié dans Interviews / Presse |
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