10 février 2014
Jean Michel Jarre le «sale gosse» génial (Tribune de Genève, 14/04/2007)
Rencontre autour de «Téo et Téa», un CD qui, justement, traite de rencontres. Il a des mains d’enfant. «De sale gosse», comme il le dit lui-même. A près de 59 printemps, Jean Michel Jarre semble avoir englouti deux bons gros barils d’élixir de jeunesse.
Ces mains-là n’ont pas beaucoup changé depuis qu’elles fouillaient, fébriles, dans le bric-à-brac d’un grand-père à la Géo Trouvetou. «Je pense à lui à chaque album, raconte le musicien. J’allais dans son atelier et il y avait un tas de trucs bizarres. J’adorais bidouiller avec ça, toucher ces objets, dans un rapport quasi sensuel. »
Soixante millions d’albums vendus plus tard, Jean Michel Jarre continue de triturer les sons avec la même gourmandise. Téo et Téa, son nouveau CD, est l’aboutissement de ces manipulations fructueuses. Un disque plein d’allégresse, bien décidé à vous filer un coup de pied au cul pour vous expédier illico sur les pistes de danse. «C’est mon album le plus rythmique à ce jour, avec ce côté dance floor», confirme le pape de l’electro.
:: La quête de l’autre ::
Dans l’excellent clip tiré de l’album, on voit deux ados courir comme des dératés sur fond de mégalopole désertée. Aurait-on tout ôté à Téo et Téa? «C’est un disque qui traite du thème de la rencontre, précise le musicien. Il y a de plus en plus d’outils de communication et on se parle de moins en moins. Il suffit de jeter un oeil sur Internet: on assiste à une explosion des sites de contacts, et pas seulement pour des rencontres sexuelles. Ça va au-delà: c’est devenu une véritable quête».
:: Métaphore de l’électricité ::
Hasard ou pas, le petit personnage du film 3D n’est pas sans faire penser à Jean Michel Jarre, avec son épaisse tignasse brune. D’ailleurs, la jeune fille qui sprinte à ses côtés pourrait tout aussi bien être sa compagne, la comédienne Anne Parillaud. «Téo et Téa, ce n’est pas une histoire de couple, corrige l’intéressé. C’est plutôt une rencontre dans tous ses états. Et c’est une métaphore sur l’électricité, avec le coup de foudre, la tension, le fait d’être branché sur quelqu’un. »
On pourrait pousser la métaphore plus loin encore. Et affirmer qu’avec ses mégashows, Jean Michel Jarre s’est toujours fixé pour objectif d’établir le courant avec la multitude.
«Les instruments acoustiques ou du rock sont nés du jeu de la performance, au contact de la scène, explique l’artiste. Les instruments électroniques nécessitent une scénographie. Dans la mienne, il y a toujours un contenu visuel très fort. Les images valent mieux qu’un long débat: il faut passer par le coeur et l’émotion.»
Ambassadeur de l’Unesco, investi dans la lutte contre l’illettrisme et pour la sauvegarde de l’eau, Jean Michel Jarre applique la méthode jusque dans ses engagements. «Les discours politiques par rapport à l’environnement, je trouve que ça n’a pas une réelle importance, relève-t-il. Ce qui compte, c’est la prise de conscience des gens. Je crois que, de toute manière, ils seront amenés à réagir, ne serait-ce que par égoïsme.»
On le voit, la star internationale n’a pas dévoré le citoyen. Difficile, en outre, de faire plus disponible que Jean Michel Jarre. Au-delà des grandes causes et au sortir des scènes immenses, l’artiste s’immerge volontiers dans les contrées traversées pour en saisir l’âme. «Les concerts, finalement, c’est aussi un prétexte pour pouvoir pénétrer les pays, conclut-il. Et aller au contact des gens. » Sans atteindre à cette intimité, c’est par le biais des clubs que le musicien viendra bientôt rendre visite à la Suisse. Même si, pour l’heure, Téo et Téa n’ont toujours pas déterminé s’ils s’enlaceront sur les pistes lausannoises ou genevoises.
00:49 Publié dans Interviews / Presse |
| Tags : coupure presse, 2007, téo et téa | Facebook | |