02 mars 2014
Houston à l’heure de Jean-Michel Jarre (La Nouvelle République, 9/04/1986)
Propos recueillis et crucifiés par Jean Poncet, qui en profite pour donner son coup de chapeau à La ville de Houston, qui fête ses cent cinquante ans en même temps que la NASA ses vingt-cinq ans, a vécu samedi soir à I’heure de Jean-Michel Jarre. Un million de personnes, selon la municipalité, ont assisté au concert en plein air que le musicien français a donné dans un parc, au pied des buildings du centreville. Pendant une heure et demie, les façades de ces tours ultra-modernes ont servi de décor, éclairées de couleurs changeantes par les projecteurs de D.C.A. Sur la scène, d’immenses enceintes répercutaient le son à plus de 5 kilomètres. Autour de Jean-Michel Jarre, sept musiciens lisaient les portées musicales sur des écrans d’ordinateurs et manipulaient 45 claviers de synthétiseurs. Les enchaînements visuels comportaient des effets de rayons laser, qui, en rythme, balayaient l’espace jusqu’aux nuages.
Du sommet des buildings crépitaient de temps à autre des feux d’artifices. Pour cela; il a fallu transporter sur les toits de ces immeubles 50 kilomètres de câbles, 40 tonnes de sable, et convaincre au préalable les pompiers de Houston ainsi que les compagnies d’assurance. Sur une des tours encore en construction, un écran géant de 120 mètres de haut sur 65 de large était tendu. Au fil de la diffusion d'Oxygène et Equinoxe, les morceaux les plus connus de Jean-Michel Jarre ont été projetés sur cet écran des diapositives célébrant l’anniversaire de Houston. Sous les applaudissements apparaissaient les symboles du Texas: cow-boys, troupeaux, puits, derricks et chemins de fer. Un dessin animé au laser faisait même courir un cheval de façade en façade.
:: Hommage à la NASA ::
La musique s’est adoucie lorsque la NASA a été évoquée : après les photos de I’homme sur la Lune, c’était le rappel de la récente tragédie de Challenger. Sur scène, un coeur de 120 enfants de Houston s’est ajouté à la musique électronique. Si la navette n’avait pas explosé, elle aurait dû filmer avec l'accélération du décollage, les lieux-mêmes où s’est tenu le concert samedi. Et une fois dans, l’espace, l’astronaute noir, Ron Mac Nair qui était aussi saxophoniste amateur, devait jouer la partition, préparée pour lui par Jean-Michel Jarre. Les deux hommes avalent répété cette musique par téléphone entre Houston et Croissy-sur-Seine, dans les Yvelines où habite le compositeur. Ron Mac Nair n’était plus là qu’en photo sur l’écran géant du concert et c’est un de ses amis qui a interprété le morceau de saxophone. Les synthétiseurs ont enchaîné avec « Rendez-vous », un morceau qui donne son titre au dernier disque de Jean-Michel Jarre et qui a été bissé dans le final. Le maire de Houston, Mme Kathy Whitmire, une femme de petite taille, jeune et décidée, s’était frayée un passage à travers la foule pour aller s’installer juste en bas de la scène. Devant les télévisions locales, Mme Whitmire a expliqué, ravie, que l'on ne pouvait pas savoir à l’avance ce que serait cette soirée, mais que le résultat était « fantastique ».
:: Un disque et un film ::
Les notables de Houston, une ville largement touchée par la baisse du prix du pétrole ne cachaient pas qu’ils étaient à la recherche d’un renouveau. lIs n’étaient pas mécontents par conséquent de cette démonstration original apportée par un Européen qui montre que, chez eux, iI n’y a pas que de la country-music et que leur univers texan n’est pas uniquement celui de Dallas. Quant à Jean-Michel Jarre qui avait donné, un concert Place de la Concorde à Paris en 1979, à Pékin et Shanghai en 1981, il s’est contenté de déclarer en descendant de scène : "Quand on propose quelque chose de différent, on réussit".
Une centaine de techniciens français I’avaient accompagné à Houston. Tous artificiers, spécialistes du laser, créateurs d’images. appartiennent à des. P.M.E., d’une centaine d’employés maximum. M. Francis Dreyfus, le producteur de Jean-Michel Jarre, voit dans ce type d’entreprise des ressources infinies de souplesse et d’invention. Ce n’est pas tout à fait I’avis du F.B.I. de Houston; il y a huit jours, au cours des essais, des électriciens français ont fait sauter, pendant plusieurs heures, le système électrique du building central de la police. Ce genre d’incident ne se reproduira pas, car Jean-Michel Jarre ne donnait qu’un seul concert à Houston. Selon les premiers calculs, le coût en a été d’environ 5 millions de dollars, en partie allégé par la participation de la ville, au financement de certaines Installations. Mais c’est par la vente de disques aux Etats-Unis et par le film vidéo du concert, vendu aux chaînes de télévision mondiale que le producteur pense rentrer dans ses frais.
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