06 août 2013
3 questions sur… Les concerts géants (1990)
1) Quel effet cela te fait-il de jouer devant un million de personnes?
J-M J : "C'est une abstraction car au-delà de cent mille spectateurs, le nombre est difficile à juger. J'ai une attitude très humble par rapport à tout cela car ce n'est pour moi que la suite logique d'un an de travail, d'une démarche dans laquelle je me suis investi nuit et jour avec deux cents ou trois cents personnes. J'aurais sûrement plus le trac dans une salle avec cinq cents spectateurs que dans un endroit où le public est aussi le spectacle. Je sens plus de convivialité dans une situation ouverte. Les français n'ont pas conscience de cette force qu'est leur faculté d'adaptation… Ni les Anglais, ni les Américains n'auraient pu faire ce que nous avons fait mais ils auraient eu tout le pays derrière eux. Ici, ce qui intéresse les médias français est de savoir si je vais me planter ou si Lady Diana sera au concert. Le mérite de ces concerts est d'avoir généré en France de nouvelles techniques, une nouvelle industrie du spectacle en extérieur."
2) Quelle est ton attitude vis-à-vis de l'improvisation?
J-M J : "Elle fait partie de la création musicale puisque toute composition est en fait une improvisation structurée. En revanche, en grope, comme forme d'expression, elle appartient, chez nous, plus à l'époque du free jazz des années cinquante qu'à la notre. Nous sommes dans une époque très structurée, les ordinateurs poussant plus à l'organisation qu'à l'improvisation. C'est ce dont j'ai besoin pour la scène par rapport aux différentes techniques que j'utilise au même moment. Mon problème n'est pas d'avoir plus de liberté, c'est d'en avoir moins. Je suis très content de tout ce qui arrive à me limiter. Je pense travailler continuellement sans filet. Il faut se méfier de l'utopie musicale qui considère comme positive une situation où tout peur arriver. À partir du moment où l'on présente quelque chose en public, on a une responsabilité envers lui et il faut que la communication passe au maximum (ce qui n'arrive généralement que pendant quelque dix minutes lors d'un concert très improvisé).
À travers mes concerts, j'ai un rapport avec le public bien plus humain que ce qui se passe dans certaines salles. Prendre les gens dans leur univers personnel et dans un contexte unique crée une complicité très importante. L'improvisation aboutit souvent à un résultat linéaire, comme par exemple à une certaine période chez Tangerine Dream. Ils ont, soit dit en passant, beaucoup contribué à ce que les gens confondent synthés et boîtes à musique lorsqu'ils quittaient la scène pour cette espèce d'apologie de la machine qu'était le fait de la laisser jouer seule."
3) Mais finalement, est-ce que tu privilégies la musique ou le concept du spectacle?
J-M J : "La musique prédomine dans la mesure où c'est le point de départ et le point d'arrivée. Je fais des spectacles pour arriver à visualiser la musique que j'ai produite, pour la mettre en scène en tant qu'acteur principal."
Propos recueillis par Catherine Chantoiseau
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