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27 février 2014

Les canons à musique de Jean-Michel Jarre (La Croix, 27/10/1986)

coupure presse,houston,1986


Des milliers de lumignons tremblotent aux fenêtres, en hommage à la Vierge qui debarrassa la ville de la peste. Là-haut, sur la colline enténébrée, résonne le bourdon de Saint-Jean : le Pape vient de bénir Lyon. Le spectacle son {inaudible} et lumière de Jean-Michel Jarre peut commencer. « J’ai jamais eu autant de boutons sur le front », plaisante Xavier, 11 ans, gagné par le trac. Avec lui, 97 enfants et 40 adultes des chorales La Cigale et Le Cantrel vont gravir les planches, flanqués par huit cuivres et six violons de l’Orchestre national de Lyon. Un bassiste, un percussionniste, un batteur, une chanteuse et quatre synthétiseurs vont aussi soutenir l’étrange maestro du laser, capable de transformer la lumière en son. Sans compter 210 techniciens affairés entre le computer et neuf Troopers, énormes projecteurs pouvant éclairer 40 km à la ronde. Le petit Xavier, lui, brûle d’en savoir plus : « Le laser est un faisceau de lumière ordonnée », explique-t-il. Mais sur cette musique, c’est le secret total.

Vers 22 heures, la machinerie de Jean-Michel Jarre s’ébroue comme le grand paon. La scène verdit, tandis que des pinceaux lumineux balaient la voute céleste. Sous un grondement électronique croissant, les quais de la Saone s’illuminent. Des flaques de lumière se répandent sur les toits. La colline de Fourvière s’embrase lentement. Dessous, les lasers incendient les jardins du Rosaire. Noyés dans de blanches fumerolles, les claviers bourdonnent de plus belle, couvrant les choeurs déjà inaudibles. Un feu d’artifice crépite soudain sur le palais de justice. Les lances lumineuses de cavaliers invisibles trouent le ciel sur l’église Saint-Georges. D’autres, comme une révérence, glissent sur le batiment du Conservatoire de musique. Est-ce le Retour d’Alien ? Une invasion de Martiens? La foule applaudit. Interlude. Bientôt douze projecteurs monumentaux s’allument avec leurs lampes metallogènes. La basilique devient vert phosphorescent, comme l’hôpital haut perché de l'Antiquaille. A perte de vue, étagées sur la colline, des diapositives géantes développent toute une symbolique autour de valeurs : paix, fraternité, justice, amour, liberté. L’imagier Jarre projette un oeil énorme écarquillé, des mains, des oreilles sur les murs de la ville: car l’homme doit communiquer. Une girafe apparait, puis un chien, un tigre… Par le jeu des diapos, les drapeaux du monde entier flottent sur la colline.

Un jeu d’engrenages semble évoquer la fameuse Horloge astronomique. Toute une galerie de portraits renvoie à l’humanité souffrante : Gandhi, Pasteur, Martin Luther King, Walesa, Mère Teresa… Au bout de 80 minutes de spectacle, Jean-Michel Jarre disparait avec sa harpe magique dans une poussière d’étoiles. Vu son coût pour les sponsors, le show en valait-il la chandelle ?

00:00 Publié dans Interviews / Presse | | Tags : coupure presse, 1986, lyon |  Facebook | | |