24 décembre 2012
Interview à Pianoweb (Mars 2010) (Partie 2/2)
Suite de l'article de Mars 2010 sur la vision du synthétiseur en France.
Découvrir le synthé, cela revient à choisir quel modèle ?
Jean-Michel Jarre : il y a de petits synthés, chez Korg, par exemple, qui sont très bons et pas du tout limités. En ce qui me concerne, mon premier synthétiseur, le VCS3, me sert encore. Ces petits instruments-là sont des instruments de base. Evidemment, la pression commerciale fait que les gens ont parfois tendance à acheter des instruments trop importants… La course aux instruments est dangereuse à toutes les étapes. Il m’arrive personnellement de refuser des instruments qui nécessitent une assimilation trop importante.
Le synthé est-il entré dans les écoles de musique ?
Jean-Michel Jarre : c’est encore une percée très timide et ponctuelle. J’essaie de faire officialiser l’initiative de certains professeurs en ce sens. En Suède et en Finlande, c’est déjà fait, et je sais que dans certaines écoles, « Oxygène » est au programme… Il y a même des synthés dans les écoles maternelles, comme, aux Etats-Unis, dans les universités.
Comment interpréter ce retard de la France ?
Jean-Michel Jarre : les budgets « musique » sont largement absorbés par des organismes (comme l’Ircam) qui, malgré les sommes d’argent misent à leur disposition par les contribuables, ne se préoccupent pas de l’impact sur le public. Pourtant, ils devraient, dès l’instant où ils sont des services publics, rendre des comptes à la nation. Ce système vicié a eu pour conséquence que, pendant de nombreuses années, il y a eu un mépris total pour les conservatoires et pour tout ce qui venait de province, avec un « parisianisme » intellectuel pesant sur l’enseignement musical. Les professeurs de conservatoire n’étaient même pas reçus à Paris, ils devaient se débrouiller tout seuls.
En province, pour quelqu’un qui veut faire de la musique, il n’y a que la Maison de la culture (Maison pour tous) et le Conservatoire ; aussi, si l’on ne donne pas à ces organismes les moyens d’avoir un peu de matériel, mais qu’on le donne seulement aux chercheurs, on se retrouve à l’époque du Roi Soleil !
Y a-t-il à Paris une école pour apprendre le synthé ?
Jean-Michel Jarre : quelques magasins de musique font un effort dans ce sens. C’est déjà un début. En dehors de cela, il y a des initiatives diverses dans les universités ; mais, pour y accéder, il faut des diplômes…
Alors, que peut faire un débutant qui veut aborder le synthé ?
Jean-Michel Jarre : j’ai travaillé sur une méthode de synthé, et je sais que je ne suis pas le seul. Mais il reste que les gens attirés par l’instrument doivent d’abord s’informer par eux-mêmes, ce qui n’est pas entièrement une mauvaise chose… en attendant méthodes et enseignants.
Le compositeur a-t-il des difficultés à faire admettre le synthétiseur dans l’expression personnelle de son art, notamment dans ses rapports avec les éditeurs ?
Jean-Michel Jarre : certes ! Plus le progrès technologique s’affirme, plus les compositeurs doivent adopter une attitude de guérilleros, artisanale et subversive, dans leurs relations avec l’industrie du disque, qui a trois trains de retard et n’y comprend rien. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être dans une petite maison de disques, Dreyfus, où l’on a l’esprit guérillero. Quant aux musiciens sans appui, je leur conseillerais de s’adresser aux studios d’enregistrement ; on y rencontre une foule d’authentiques créateurs, très compétents techniquement, et qui ne demandent pas mieux que de participer à l’élaboration d’une œuvre en aidant le musicien à se « réaliser ». Dans leur genre, ce sont des pionniers.
21:17 Publié dans Interviews / Presse |
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